Traduit de l’américain par Stéphane Geyres, Institut Coppet.
Cet article provient de l’épisode « Henry Hazlitt and the Rising Libertarian Generation », un podcast du Mises Institute.
Au cours de l’année scolaire comprenant le semestre d’automne de 1964 et celui du printemps de 1965, j’étais en première année d’université. C’était aussi ma première année de débat interuniversitaire, après quatre années de débat interscolaire au lycée (NdT : la « High School » équivalent du lycée français, couvre quatre années scolaires.) Je suis sûr que le mode de débat a évolué à bien des égards au cours du dernier demi-siècle et je ne sais pas vraiment ce qui définit un « débatteur » (NdT : le terme « débatteur » a été préféré à « orateur », plus orthodoxe, car plus proche du sens d’origine) de nos jours, mais à l’époque, être débatteur supposait de passer la plupart de ses week-ends de l’année scolaire en tournois de débat, organisés chez d’autres écoles. Ils commençaient généralement le vendredi après-midi et se terminaient aux alentours du dimanche midi.
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Si vous fréquentiez une école offrant un programme de débat élaboré, vous passiez probablement tous vos week-ends du 1er octobre au 1er mai dans de tels tournois. Être « débatteur » à l’époque impliquait que tous vos meilleurs amis soient ou d’autres débatteurs de sa propre école ou des débatteurs d’autres écoles que vous voyiez tous les week-ends lors des tournois. Vous n’aviez guère le temps d’apprendre à connaître quelqu’un d’autre. Hormis le temps passé en cours, le débat, c’était votre vie.
Être débatteur à l’époque signifiait devoir débattre d’une proposition unique, ou « question du débat », tout le long de l’année. Mais la plupart des tournois proposaient également ce qu’on appelait « des épreuves individuelles,» c’est-à-dire des concours d’expression en public auxquels on pouvait participer à titre individuel. Le débat s’organisait par équipes, des équipes de deux. Vous rejoigniez toujours une des sections du tournoi de débat avec un « partenaire,» votre collègue de débat. Sinon vous pouviez participer à « Improviser » ou « Impromptu » ou « Talent Oratoire » seul, en tant qu’individu. La plupart des débatteurs participaient également aux épreuves d’improvisation. Vous tiriez un bout de papier d’un saladier. Dessus, un sujet établi à partir du monde des événements récents et des controverses actuelles. Vous aviez 30 minutes pour mettre au point un discours de dix minutes sur le sujet quelconque qu’on révélait ainsi.
La façon de se préparer à tout ce qui pouvait être tiré du saladier consistait à lire les journaux chaque jour. Mais il fallait aussi lire trois magazines : Time, Newsweek et U.S. News & World Report. J’ai donc lu Time, Newsweek et U.S. News & World Report chaque semaine tout au long des années de lycée et d’université et d’une longue habitude enracinée, pendant de nombreuses années par la suite. Au bout du compte, je me suis débarrassé de cette habitude, mais c’est une autre histoire.
À l’époque, je lisais Time, Newsweek et U.S. News & World Report chaque semaine. Et une partie de l’expérience de la lecture Newsweek au début des années 1960 tenait à une chronique hebdomadaire intitulée « Courants d’Affaires » (NdT Titre original : « Business Tides »). Le titre a une connotation d’éditorial sur les nouvelles du monde des affaires, mais en fait il offrait un vaste champ de commentaires perspicaces sur à peu près tout ce qui à voir avec l’économie ou ses théories. Elle était tenue par un homme du nom de Henry Hazlitt, qui, j’appris, était aussi l’auteur d’un livre concis intitulé « Economics in One Lesson » (« L’Economie en Une Leçon ») qui avait été publié initialement en 1946, quelques mois avant ma naissance. J’ai lu « Economics in One Lesson » pendant l’année scolaire 1964-1965 – ma première année à l’université – alors que nous débattions de l’idée « que le gouvernement fédéral devrait établir un programme national de travaux publics pour les chômeurs.»
Lors de débats à l’époque, si on se présentait à un tournoi, on attendait à ce que vous soyez préparé soit à présenter un sujet pour la proposition de l’année – cela s’appelait prendre « le côté affirmatif » du débat – soit à argumenter contre le sujet de l’équipe adverse présenté au titre de la proposition – cela s’appelait prendre le « côté négatif » du débat. Pour aller jusqu’au bout d’un tournoi, il était exigé, au minimum, de prendre le côté affirmatif lors d’au moins deux débats et de prendre le côté négatif pour au moins deux autres débats.
Pour autant, la plupart des débatteurs, comme la plupart des gens, ne sont guère imaginatifs. Et ils ont tendance à être ce qu’Ayn Rand appelait « bornés au concret » : coincés dans des détails superficiels tout en omettant la vision plus globale, plus abstraite – selon le vieux cliché, ne voyant pas la forêt en portant trop d’attention à chaque arbre individuel. Ainsi, la plupart des équipes de débatteurs de l’année scolaire 1964-65 plaidait en faveur des programmes fédéraux de travaux publics pour les chômeurs en décrivant l’état lamentable des chômeurs de la nation, évoquant brièvement qu’une économie libre portera toujours un faible taux de personnes au chômage involontaire et affirmant que la merveilleuse expérience de la WPA (« Works Projects Administration » : Administration des Projets de Travaux) et programmes connexes sous le New Deal avait montré la réussite de projets de travaux publics à traiter cette problématique.
Je ne voulais pas prendre un tel sujet lors d’une séance de débat contre un adversaire compétent. Il aurait été trop facile de le démolir. Au fond, ce n’était tout simplement pas vrai. Je savais qu’au milieu des années 1960 les chômeurs américains étaient peut-être les plus riches pauvres gens de l’histoire humaine à ce stade. Je savais grâce à la lecture de « Economics in One Lesson » de Henry Hazlitt au début du trimestre d’automne qu’il n’y a pas de chômage involontaire dans une économie de libre marché autre que celui causé par le gouvernement. Et je savais que les programmes de travaux publics de l’époque du New Deal avaient été loin d’être un éclatant succès, presque quelque soit la norme retenue pour les juger.
Alors que faire, mon collègue de débat et moi, lorsque nous devions soutenir l’affirmative à cette question ? Je décidai que nous compterions sur l’effet de surprise. Nous avancerions non pas que le chômage actuel était particulièrement sévère, ni que le « chômage structurel » était inévitable dans une économie de libre marché, mais plutôt que le cycle économique était inévitable dans une économie de libre marché et que notre merveilleuse expérience lors du New Deal indiquait clairement que le gouvernement pouvait améliorer les pires conséquences de ce cycle économique par la montée en puissance des programmes de travaux publics pendant les creux et en les réduisant pendant les périodes de croissance.
Je savais à la lecture de Henry Hazlitt que ce n’était pas vrai non plus. Mais que pouvais-je faire ? En vérité, il n’y avait aucune bonne raison, valable, pour soutenir les programmes nationaux de travaux publics pour les chômeurs. Pourtant, les règles du débat imposaient de les soutenir, au moins une partie du temps, pour pouvoir gagner – ou même pour un résultat honorable à – un des tournois de cette année scolaire. Au moins, avec un sujet sur le cycle économique, on avait l’avantage de la surprise. Peu d’équipes, même parmi les meilleures, viendraient dans l’arène, prêtes à argumenter sur le cycle économique. Elles divaguaient, impuissantes et sans but, en particulier parce que, comme je l’ai dit, la plupart, même les meilleures d’entre elles, étaient peu imaginatives et « bornées au concret », peu habituées à réfléchir en termes de théories générales tel le cycle économique dans l’économie de marché. Ainsi, on remportait la manche malgré la faiblesse de son argumentation.
Comme je le disais, je savais à la lecture des éditos de Henry Hazlitt dans Newsweek pendant quelques années et à la lecture de son « Economie en Une Leçon » au début de l’année que l’argument du cycle économique était faible. Mais je savais aussi qu’il me fallait protéger mes arrières. Si j’avais pu penser à cet argument pour la composition, d’autres pourraient y penser, aussi. J’étais malin, mais pas malin au point que d’autres ne pourraient pas voir les possibilités que j’avais entrevues dans la théorie keynésienne du cycle économique – des possibilités de déculotter une équipe « négative » en présentant un argument inhabituel en faveur de la proposition. Par conséquent, je devais être prêt à détruire l’argument du cycle économique, dans le cas où je me serais retrouvé en « négatif » face à lui. J’allais à la bibliothèque pour chercher des munitions intellectuelles. Je trouvais un livre extraordinaire : « The Failure of the New Economics : An Analysis of the Keynesian Fallacies (« L’Echec de la Nouvelle Théorie Economique : Une Analyse des Mythes Keynésiens ») – par Henry Hazlitt lui-même. Celui-ci démolissait complètement mon argument basé sur le cycle économique et me fit me demander : mais qui est donc Hazlitt Henry, au fait ?
Je n’ai pas trouvé de réponse complète à cette question pendant quelques années. C’était l’ère pré-Internet, ne l’oublions pas, où il était difficile d’accéder à l’information et il fallait souvent une après-midi ou deux dans une bonne bibliothèque pour trouver ce qu’on peut trouver aujourd’hui en moins de 30 minutes sans quitter la maison. Mais j’ai finalement découvert ce qui suit :
Henry Hazlitt est né le 28 Novembre 1894, à Philadelphie. Son père est mort alors qu’il était encore bébé et sa mère et lui en connurent des temps plutôt durs sur les neuf années suivantes, jusqu’à ce qu’elle se remarie et déménage avec son fils et son nouveau mari à Brooklyn. Ce fut à Brooklyn que Henry Hazlitt grandit et dans les écoles publiques de Brooklyn qu’il acquit son goût pour l’éducation. A la mort de son beau-père, il était en deuxième année au City College de Manhattan, mais la mort de son beau-père replongea la famille dans la pauvreté. Hazlitt dût quitter City College et trouver un emploi pour aider sa mère veuve. Après quelques mois d’emplois de bureau, il décida de s’essayer au journalisme. Il aimait écrire et, pendant son temps libre, avait presque terminé le manuscrit de son premier livre. « Je décidai que je voulais être un journaliste », dit-il à un interviewer bien des années après, « car c’était la seule façon que je voyais d’accéder à l’écriture ».
Et c’est ainsi qu’en 1915, à l’âge de 20 ans, Henry Hazlitt allait travailler pour le Wall Street Journal. Au début, son travail consistait essentiellement à prendre en dictée et à dactylographier. Les reporters téléphonaient leurs histoires, soit les dictant à partir de leurs notes, soit lisant à haute voix une version déjà écrite – fréquemment manuscrite ; Hazlitt les dactylographiait pour être soumises à la rédaction.
Le problème était que Hazlitt écrivait déjà mieux que n’importe quel journaliste pour lequel il agissait en qualité de sténographe – un fait évident pour quiconque a jeté un coup d’œil à son premier livre, précoce, qu’il termina juste avant de rejoindre le Journal. Il fut publié à l’automne de 1915, peu avant le 21 anniversaire de Hazlitt, à peu près au même moment où il fut promu de sténographe à reporter ; intitulé « Thinking as a Science », un ensemble d’observations sur la méthodologie de l’assimilation mentale de ce qu’on lit ou sinon apprend sur le monde, écrit dans un ton étonnamment mature, confiant et mesuré, certainement pas celui d’un gamin à peine sorti de l’adolescence.
La pensée de Hazlitt sur la pensée était un effet naturel de son plan vorace de lecture, avec lequel il tentait de rattraper l’enseignement universitaire qu’il estimait s’être vu refusé quand il dut abandonner l’école pour aider sa mère. Cependant, son savoir n’était pas entièrement le produit de la lecture, il reposait également sur l’observation et l’échange avec les gens. Hazlitt apprit beaucoup par exemple sur la façon dont l’économie fonctionne alors qu’il écrivait pour le Wall Street Journal et, un peu plus tard, pour le New York Evening Mail – à la fois par observation des hommes d’affaires dans leur quotidien et à les interviewer en profondeur. Bien entendu, l’information ainsi obtenue ne pouvait pas être concluante en soi. Pour savoir comment donner un sens à tout cela – ce qu’il a lu, ce qu’il a observé, l’information glanée de conversations – il lui fallait une théorie complète. Pour y arriver, ou pour juger celles proposées par d’autres, il lui fallait penser. Et cela supposait apprendre à penser. Cela impliquait apprendre en quoi penser consiste, ce qui fait que penser est efficace ou inefficace, utile ou inutile. Et ainsi Henry Hazlitt avait trouvé le sujet de son premier livre.
Entre-temps, il se construisait une carrière de journaliste. Du Wall Street Journal, il passa au New-York Evening Post, de là au New-York Evening Mail et de là au New York Sun. Il travailla comme éditorialiste, comme rédacteur financier, fut critique de livres, composa des essais sur les idées et controverses contemporaines pour les éditions du dimanche. Puis vinrent quelques années où il dirige le « dos du livre » – les pages de critique littéraire – de The Nation, suivies d’une brève période comme rédacteur en chef de The American Mercury (NdT un célèbre magazine littéraire publié de 1924 à 1981), où il fut le successeur désigné (NdT du créateur) H.L.Mencken. Annonçant le changement de rédacteur en chef, Mencken qualifia Hazlitt de « seul critique d’art compétent que je connaisse qui soit aussi un économiste compétent,» ainsi que « un des rares économistes de toute l’histoire qui sache vraiment écrire.»
Hazlitt quitta The American Mercury pour le New York Times, où il passa la fin des années 30 et les années de guerre à écrire des éditoriaux sur des questions économiques et des critiques de livres sur des sujets économiques pour la section littéraire de l’édition du dimanche. Puis, en 1946, il publia son « Economie en Une Leçon » et quitta le Times pour Newsweek. Toutes ces années, Hazlitt poursuivit la quête qu’il avait entreprise en fin d’adolescence, quand il avait quitté City College – sa poursuite d’un enseignement universitaire dont il estimait avoir été privé, en particulier concernant ce qu’il avait appris en lisant, en observant et en discutant : la relation juste de l’individu à la société. Sa recherche d’une théorie complète allait donner un sens à tout cela.
Hazlitt semble avoir d’abord lu Herbert Spencer à l’époque où il quitta City College et durant quelques années, ce fut la théorie de Spencer sur la société humaine qui lui servit de guide. Globalement, elle lui a bien servi, bien qu’elle laissât un certain nombre de questions économiques sans réponses vraiment satisfaisantes. Puis, en 1938, Hazlitt lut un livre intitulé « Socialism : An Economic and Sociological Analysis » (« Le Socialisme: une analyse économique et sociologique »), de traduction anglaise récente, publié quelques années plus tôt à Londres, issu d’un premier livre publié en Allemagne en 1922 par quelqu’un dont Hazlitt avait entendu parler, mais n’avait jamais lu auparavant, un économiste autrichien nommé Ludwig von Mises. Mises expliquait que la préférence subjective est à l’origine de la valeur économique, que la valeur marginale de tout bien ou service selon le public acheteur détermine son prix et que les prix véhiculent des informations aux entrepreneurs indiquant où le public acheteur aimerait le plus voir les investissements productifs mis dans l’économie. Mises époustouflait Hazlitt.
Hazlitt avait 44 ans et écrivait à titre professionnel sur les questions économiques depuis plus de 20 ans. Mais il n’était point trop vieux pour continuer à apprendre. A partir de ce moment, si on lui demandait, Hazlitt aurait dit que l’influence intellectuelle majeure sur sa pensée envers la société humaine était Ludwig von Mises. Il écrivit un billet pour le New York Times sur le « Socialisme » de Mises et échangea quelques lettres avec Mises lui-même, alors à Genève. Puis un jour, deux ans après, il décroche le téléphone qui sonne à son appartement de New York sur Washington Square et entend une voix dire : « C’est Mises au téléphone. » Hazlitt était sidéré. « Comme je l’ai depuis dit à plusieurs de mes amis,» a-t-il expliqué à un journaliste en 1983, « c’était comme si on avait appelé pour dire : « John Stuart Mill au téléphone.»
Mises était désormais à New York, comme réfugié d’une Europe largement dominée par les nazis, avec le besoin de travailler pour vivre. Hazlitt fit ce qu’il put, ce qui s’avéra être plutôt beaucoup. Il s’arrangea pour que Mises écrive plusieurs articles courts pour le New York Times, pour porter son nom à l’attention du monde intellectuel américain. Il aida Mises à obtenir une bourse de la Fondation Rockefeller qui lui permit d’écrire deux de ses petits livres, « Omnipotent Government » et « Bureaucracy ». Il persuada Yale University Press de publier ces deux petits livres en 1944, ainsi qu’un bien plus long titré « Human Action » (« L’Action Humaine ») quelques années plus tard, en 1949. Hazlitt revu les trois manuscrits, comme il le dit à un interviewer de 1983, « à la demande de l’éditeur, pour l’anglais ».
Hazlitt aida Mises à obtenir un poste de professeur invité à la New York University Graduate School of Business Administration. Il contribua à organiser le comité de riches donateurs qui offrirent l’argent dû pour le salaire de Mises à la NYU, car l’université n’avait guère accepté qu’à contrecœur de prendre le plus grand économiste et théoricien social du 20ème siècle sous son aile et n’avait en réalité aucune intention de dépenser sur ses propres fonds pour payer ses heures. Enfin, Hazlitt présenta Mises à Leonard Read (NdT : le célèbre auteur de « I, Pencil ») de la Foundation for Economic Education, qui lui apporta un poste complémentaire comme conférencier et conseiller sur les questions économiques. Quand il écrivit « Economics in One Lesson » en 1945, Hazlitt était complètement sous l’emprise des idées de Mises. Son « Economie en Une Leçon » est la meilleure introduction rapide à l’économie misésienne – c’est-à-dire, autrichienne.
Alors qu’il organisait des entrevues, Hazlitt présenta Mises à un jeune écrivain de tempérament qu’il avait récemment rencontré, une immigrante russe d’une trentaine d’années qui se faisait appeler Ayn Rand. À ce point, Rand avait publié un roman sans succès sur l’écrasement de l’individualisme en Union Soviétique, « We the Living » (« Nous les Vivants »), et avait créé une pièce de théâtre, « The Night of January 16th » (« La Nuit du 16 Janvier »), au succès modéré sur Broadway. Elle n’avait pas encore écrit « The Fountainhead », célèbre roman individualiste (NdT : d’où King Vidor tira le film « Le Rebelle »), ni son roman libertarien classique, « Atlas Shrugged » – les livres qui devaient faire son nom, sa réputation et sa fortune. C’était un jeune écrivain en pleine ascension, à un moment dans sa carrière où un peu d’aide d’un écrivain reconnu et établi – par exemple, une recommandation, auprès d’un intellectuel plus âgé, important et promoteur d’idées très proches des siennes – lui serait précieuse. Comme il l’avait été pour Ludwig von Mises, Henry Hazlitt fut présent pour Ayn Rand.
Peu de temps après l’échec dramatique de Barry Goldwater face à Lyndon Johnson lors de l’élection présidentielle de 1964 (NdT : B.Goldwater, perçu comme proche de l’extrême droite, perdit avec plus de 20% d’écart), durant le semestre d’automne de l’année scolaire où je débattais des programmes de travaux publics pour les chômeurs, un rassemblement fut organisé pour fêter le 70ème anniversaire de Henry Hazlitt. Beaucoup – tous peut-être – des libertariens présents avaient vu en Goldwater un candidat qui voulait vraiment orienter les politiques publiques américaines dans un sens plus libertarien ; ils considéraient sa défaite comme un désastre pour la cause de la liberté individuelle. Pourtant, lorsque Ludwig von Mises, alors âgé de 82 ans, se leva pour parler aux participants, ses remarques furent, du moins pour partie, optimistes. « Tout ami de la liberté peut être aujourd’hui, moins d’un mois après l’élection, plutôt pessimiste quant à l’avenir », dit-il. « Mais n’oublions pas que grandit une nouvelle génération de défenseurs de la liberté ».
Puis, s’adressant directement à Hazlitt, qu’il appelait son « illustre ami », Mises déclara que si cette nouvelle génération de défenseurs de la liberté devait trouver le succès dans ses efforts, « ce serait dans une large mesure votre mérite, le fruit de votre travail de ces 70 premières années de votre vie ». « Car en cette ère de grande lutte en faveur de la liberté et d’un système social où les hommes puissent vivre comme des hommes libres, vous êtes notre leader. Vous avez inlassablement lutté contre l’avancée pas à pas de puissances désireuses de détruire tout ce que la civilisation humaine a créé durant une longue suite de siècles… Vous êtes la conscience économique de notre pays et de notre nation ».
En tant que membre de cette génération de libertariens qui se levait au moment de l’allocution de Mises, qu’on me permette peut-être un mot sur le succès dont nous avons bénéficié. Durant le demi-siècle ou presque qui s’est écoulé depuis le discours de Mises, avec l’aide de nos aînés et de plus en plus, de jeunes, nous avons réussi à faire progresser le mouvement libertarien vers quelque chose de beaucoup plus vaste, mieux intégré et intellectuellement et institutionnellement plus puissant qu’il ne l’a jamais été. Nos efforts ont trouvé le succès. Et Henry Hazlitt est sans aucun doute parmi ceux à qui nous devons reconnaissance pour avoir préparé le terrain et ouvert la voie devant nous.
Auteur : Jeff Riggenbach est journaliste, auteur, éditorialiste, animateur radio et éducateur. Membre de l’Organisation des Historiens Américains et Senior Fellow à l’Institut Randolph Bourne, il a écrit pour des journaux comme le New York Times, USA Today, le Los Angeles Times et le San Francisco Chronicle ; des magazines tels que Reason, Inquiry, et Liberty ; et des sites web comme AntiWar.com, LewRockwell.com et RationalReview.com. S’appuyant sur des compétences vocales qu’il a perfectionné sur toutes les radios classiques et d’information de Los Angeles, San Francisco et Houston, Riggenbach a également enregistré les versions audiobook de nombreux ouvrages libertariens, beaucoup d’entre eux disponibles sur le site Mises Media.
Source : //mises.org/daily/4825
Traduction : Stéphane Geyres, Institut Coppet
Merci Stéphane pour la traduction !