[Œuvres russes inédites de G. de Molinari] (1) Conférence sur le progrès et la civilisation

Gustave de Molinari a séjourné à deux reprises en Russie, il a publié plus d’une centaine d’articles dans la presse russe, et a donné des conférences nombreuses à travers le pays. Cette masse documentaire de première importance était restée jusqu’à ce jour inédite en français. — Dans cette conférence de 1865, Molinari retrace l’histoire de la notion de progrès, et de sa manifestation concrète. Le progrès, c’est essentiellement l’amélioration de la condition matérielle et morale de l’humanité. 

[Гюстав де Молинари, Публичные лекции, 1865. (Gustave de Molinari, Conférences publiques, 1865.) — L’original russe est reproduit après la traduction française.]


Conférences publiques de G. de Molinari

[Traduit du russe par Benoît Malbranque.]

Première conférence

Le progrès en tant que sujet d’étude pour l’économie politique. — Le concept de progrès chez les Grecs, les Romains et les peuples modernes. — Le progrès du point de vue matériel et du point de vue moral. — Le progrès dans la production, la distribution et la consommation des richesses.

Chères Excellences, permettez-moi tout d’abord de vous remercier pour votre hospitalité, et pour les sentiments cordiaux qui ont embelli mon dernier séjour à Saint-Pétersbourg. J’espère que mes auditeurs d’aujourd’hui seront aussi bienveillants que le furent ceux d’alors. Je vous parlerai cette fois-ci du progrès économique. J’ai choisi ce sujet parce qu’il s’agit d’une question qui préoccupe tout le monde aujourd’hui, et cela comprend la Russie, où une grande réforme vient d’être opérée : chères excellences, vous n’avez plus de maîtres. Je vous en félicite, non seulement en tant qu’individu, mais en tant qu’économiste. Et je le fais à bon escient. 

On nous reproche souvent, à nous autres économistes, de ne rien fonder ; on nous dit : vous êtes des réalistes, vous ne savez que critiquer, que rejeter ; lorsque vous voulez bâtir, alors vous sentez vos forces vous abandonner.

Il est vrai que, nous autres économistes, nous sommes avant tout des réalistes ; mais toutes les sciences se fondent sur le réel, et l’économie politique doit aussi, pour l’essentiel, se fonder sur le réel. Quel est l’objet de l’économie politique ? L’économie politique étudie l’organisation naturelle de la société, elle décrit la manière dont une société se forme, se développe et prospère, tout comme l’anatomie ou la physiologie étudient le corps humain. L’économie politique n’est rien d’autre que la physiologie de la société. Et de même que l’anatomie et la physiologie ont pour but pratique de fournir les connaissances nécessaires aux chirurgiens, afin qu’ils opèrent sur le corps humain pour lui conserver la meilleure santé, de même l’économie politique doit jouer ce rôle pour la société.

Vous n’êtes pas sans savoir que l’espèce humaine est parvenue à son présent état de développement par suite d’un développement long et graduel. Tout être vivant commence par un premier état informe et primitif. Étudiez attentivement l’organisation des tribus sauvages et celle des peuples civilisés, et vous distinguerez d’énormes différences. La société s’est incroyablement développé entre le moment où l’homme vivait dans un état sauvage et celui où il vit dans un état civilisé. L’économie politique doit prendre en compte ce progrès social, dans son étude de l’organisation de la société. Et pour cette raison, l’économie politique doit être réaliste.

Si nous souhaitons nous faire une idée plus précise de ce à quoi ressemblerait une société plus parfaite encore que celle dans laquelle nous vivons, nous avons besoin de connaître ce qu’était la société dans les anciens temps et ce qu’elle est de nos jours. Si nous voulons éviter de sombrer dans des erreurs grossières et dans l’idéalisation infructueuse, à la manière des socialistes, qui inventent une société impossible, il faut critiquer le présent, le rejeter, et c’est ainsi que nous parviendrons à comprendre la société telle qu’elle est.

On nous reproche encore d’avoir inventé de nombreux systèmes faux. Ce n’est pas un reproche que je ferais, car l’apparition de systèmes est la meilleure preuve qu’on puisse donner de l’activité intellectuelle d’une société. Et au milieu de cette abondance de systèmes, au milieu de ce chaos, la vérité pourra émerger, de même que l’argent est extirpé de masses de métal impur. La vérité ne s’obtient qu’au prix de nombreuses désillusions ; c’est quand on se débarrasse de ces désillusions que la vérité seule demeure. L’enthousiasme des fondateurs de nouveaux systèmes doit être encouragé ; on doit respecter les motifs qui les poussent à proposer sans cesse de nouveaux systèmes et à les mettre en pratique, car tout ce mouvement participe à l’amélioration de la condition de l’humanité tout entière. Ceux qui lancent des propositions ne s’occupent pas des nombreux obstacles que leurs idées ne manquent pas de présenter ; mais nous autres économistes, nous ne sommes pas seulement des réalistes, nous sommes aussi des idéalistes, à la réserve près que notre idéalisme est un idéalisme scientifique. Il est très difficile d’inventer un système parfait. On ne saurait se satisfaire des idéaux bons seulement pour les romans, et c’est une idéalisation scientifique qu’on demande. Il faut anticiper la direction dans laquelle la société avance, ou déterminer cette direction. Il faut indiquer précisément la voie dans laquelle la société doit marcher dans le futur, et ici l’imagination ne peut être d’aucun secours. Pour concevoir la société du futur, il faut commencer par étudier la société actuelle. Cette étude est d’une grande complexité, mais sans ce préalable on ne saurait jamais inventer que des théories monstrueuses.

Prenons les Grecs comme exemple. Nous savons que la majorité d’entre eux ne croyaient pas au progrès, et ceci pour une raison simple, c’est que lors des premiers temps de l’histoire de l’humanité aucun signe matériel ne laissait présager l’existence du progrès. Mais certains individus, à cette époque, crurent toutefois à la possibilité d’un développement, d’une marche de l’humanité dans le sens du progrès. Nous savons que Platon forma le modèle d’une société idéale ; il crut qu’elle devait avoir une caractère essentiellement communiste, et que l’esclavage devait y être légal ; il crut qu’un citoyen n’y devrait pas subvenir à ses propres besoins. La société idéale de Platon parut étrange même à ses contemporains, et Aristophane s’en moque dans ses comédies. Et si des vues de Platon sur la société nous passons à celles d’Aristote, nous retrouvons encore dans sa république l’esclavage présenté comme une nécessité. Telle est l’idée qu’on se faisait du progrès en Grèce. 

Passons aux Romains. Là nous rencontrons un idéal social plus large — le monde romain était plus étendu, et l’information dont on disposait était plus complète. Cicéron appelle patrie, non seulement l’espace renfermé entre les murs de la cité, mais le monde entier qui sert de demeure aux dieux et aux peuples, et dont c’est par conséquent la patrie. Rien n’offre plus de ressemblances que l’humanité même, ou les peuples comparés les uns aux autres, et quelque définition qu’on donne à différents peuples, elles sont applicables à tous. Un pareil language pourrait encore être prononcé de nos jours, chères Excellences. 

Après les Romains, nous devons laisser bien des siècles s’écouler avant de rencontrer à nouveau l’idée de progrès. Nous ne la retrouvons qu’au XIIIe siècle, avec Roger Bacon, qui a anticipé toutes les merveilleuses inventions qui font la force de la grande industrie. Voici ce qu’il disait au XIIIe siècle : « Que peut inventer l’homme ? » demandait-il, et il répondait : « Il peut bâtir des machines capables de fabriquer des objets considérables, sans le secours d’un grand nombre d’individus. Une seule personne sera nécessaire, afin de mettre en activité la machine. Ainsi, ils seront capables de travailler à une vitesse incroyable, sans l’aide d’un animal. Enfin, il ne sera pas impossible de fabriquer des machines à l’aide desquelles on pourra voler dans les airs, à la vitesse de l’œil, comme les oiseaux. »

Plus tard, au XVIe siècle, on trouve plusieurs intellectuels, en nombre croissant, qui embrassent l’idée du progrès. Elle occupe l’esprit de Machiavel, de Montaigne, par exemple. Ces esprits sceptiques comprennent le progrès de la même manière que les Anciens, c’est-à-dire que le progrès humain est comparable à l’activité d’un écureuil dans une roue.

Au XVIIe siècle, un plus grand nombre de penseurs s’occupent à clarifier la signification du progrès, parmi eux, tout particulièrement, Descartes et Pascal. Dans des termes remarquables, Pascal formule la théorie du progrès. « Les ruches des abeilles » dit-il, « étaient aussi bien mesurées il y a mille ans qu’aujourd’hui, et chacune d’elles forme cet hexagone aussi exactement la première fois que la dernière. Il n’en est pas de même de l’homme qui n’est produit que pour l’infinité. Il est dans l’ignorance au premier âge de sa vie ; mais il s’instruit sans cesse dans son progrès : car il tire avantage non seulement de sa propre expérience, mais encore de celle de ses prédécesseurs, parce qu’il garde toujours dans sa mémoire les connaissances qu’il s’est une fois acquises, et que celles des anciens lui sont toujours présentes dans les livres qu’ils en ont laissés. Et comme il conserve ces connaissances, il peut aussi les augmenter facilement ; de sorte que les hommes sont aujourd’hui en quelque sorte dans le même état où se trouveraient ces anciens philosophes, s’ils pouvaient avoir vieilli jusqu’à présent, en ajoutant aux connaissances qu’ils avaient celles que leurs études auraient pu leur acquérir à la faveur de tant de siècles. De là vient que, par une prérogative particulière, non seulement chacun des hommes s’avance de jour en jour dans les sciences, mais que tous les hommes ensemble y font un continuel progrès à mesure que l’univers vieillit, parce que la même chose arrive dans la succession des hommes que dans les âges différents d’un particulier. »

Il est impossible de définir l’idée du progrès dans des termes plus précis et plus clairs. « L’humanité peut être comparée à un homme qui ne meurt jamais et qui apprend constamment. »

À partir du XVIIIe siècle, l’idée de progrès n’est plus l’apanage de quelques esprits d’exception, mais pénètre les masses, devient populaire, inonde les ruelles ; jamais elle n’avait été aussi répandue. 

Je ne connais pas de théorie du progrès qui me satisfasse ; aucun économiste jusqu’à ce jour n’a été capable de présenter une théorie parfaite. Remontez l’histoire, et vous trouverez des théories de la civilisation qui ne sont pas sans mérite, mais aucune ne donne entière satisfaction. J’ai déjà indiqué ce qui est nécessaire pour formuler une théorie scientifique.

Quoi qu’on en dise, le progrès existe — c’est un fait. Cependant, les avantages du progrès ont été rejetés par certains. Vous savez que Rousseau a soutenu que tout ce que l’homme fait, tout ce qui l’extrait de l’état sauvage, est mauvais. Les théories de Rousseau sont vues désormais comme des rêves et des paradoxes brillants. On nous dit qu’après avoir marché trop loin, il nous faut revenir quelque peu sur nos pas. Par exemple, nous en Belgique, nous avons erré : il faut nous en revenir au Moyen-âge. Mais qu’est-ce que cela signifie, nous en revenir au Moyen-âge ? Le journal qui sert d’organe à cette idée poétique, Le Bien public, a pris la décision, pour se raffermir dans le sens proposé par cette théorie, d’imprimer ses numéros en lettres gothiques. Avec beaucoup d’à-propos, on répond qu’au Moyen-âge l’imprimerie n’avait pas encore été inventée, et que par conséquent, pour être cohérent, il serait nécessaire d’abandonner cette affreuse invention. Voici ce à quoi la logique du Bien public aurait dû aboutir. 

Nous ne pouvons nier que le progrès existe. Mais supposons que ce processus soit injuste ? Mon Dieu, on ne peut suggérer une telle chose que si l’on est incapable de remarquer la différence entre l’état primitif de l’homme et son état moderne. Il suffit de comparer l’un et l’autre, et il sera aisé de remarquer la différence qui existe entre la condition de celui qui vit dans un état primitif et celui qui jouit des fruits du progrès. 

Marchant sur le bord de la Neva, j’aperçus la tente d’un Lapon ; j’entrais ; et que vis-je ? Je vis une pauvreté extrême, l’absence de tout ce qui est nécessaire à un être humain ; quand je regardais les Lapons, je ne pouvais remarquer dans leurs yeux et sur leur visage une seule once de raison. Voilà ce que c’est, l’état primitif.

Maintenant tournons nos regards vers ce que le progrès nous a apporté d’un point de vue matériel. On peut s’apercevoir que le progrès nous a apporté des fruits considérables dans le domaine de la civilisation matérielle. La conséquence du progrès a été l’organisation moderne de la société, et cette conséquence est un bien. Tandis que dans l’état sauvage un homme a besoin de l’espace d’un kilomètre carré, en Belgique aujourd’hui un kilomètre carré nourrit 154 personnes. Ce sont là les résultats tangibles du progrès. La civilisation nourrit cent fois plus de personnes que la barbarie. Et par conséquent, la vie moderne offre une plus grande protection à la vie humaine. Ce sont les résultats clairs et positifs de la civilisation.

Maintenant, étudions le progrès au point de vue moral. Nous savons que cette richesse morale est plus précieuse que la richesse matérielle, ce dont on peut se convaincre en imaginant que tout à coup toute la richesse matérielle de ce monde disparaisse. Quelques années de travail acharné suffiraient pour la créer à nouveau. Mais si nous perdions la richesse morale de ce monde, elle ne serait pas recrée si aisément. La richesse morale est le produit de nombreux siècles. En Europe, le capital moral est considérable. Permettez-moi de n’en présenter qu’une fraction, en vous parlant des bibliothèques. Qu’est-ce qu’un livre ? C’est une accumulation de capital moral, un réservoir contenant tout ce qu’un individu avait accumulé dans son esprit, tout ce qu’il avait découvert. Nous nous sommes émerveillés par le télégraphe ; en effet, c’est une remarquable invention : avec le télégraphe nous pouvons entrer en communication avec d’autres personnes vivantes ; mais avec un livre nous pouvons entrer en communication avec un mort, nous pouvons nous assimiler le résultat clair et définitif de sa pensée. 

Tels sont les formidables résultats de notre civilisation. Nous pouvons en être fiers ; mais gardons-nous d’un excès d’orgueil. Nous sommes supérieurs, à tous les égards, aux nations non-civilisés ; cependant notre civilisation est loin d’avoir atteint la perfection. Quoique nous puissions parler avec enthousiasme de notre capital moral et matériel, celui-ci n’est encore le patrimoine que d’une minorité. La condition de la majorité, dans tous les pays civilisés, est encore loin d’être satisfaisante. Partout nous trouvons une masse nombreuse dont les besoins restent mal couverts, qui a peu l’expérience du confort, ou qui ne connaît que les premières manifestations du confort. Les résultats matériels et moraux de la civilisation ne sont pas largement distribués au sein du peuple, et pourtant, mon Dieu, ils devraient l’être, c’est une condition du progrès. Le peuple, dans sa grande majorité, ne sait pas lire. Voyez les statistiques sur l’alphabétisation : vous verrez qu’en France le taux est de 40 sur 100, et qu’en outre, sur ces 40 individus, seuls un sur trois sait lire et écrire. Ainsi, nous avons atteint un haut degré de civilisation, mais il n’a pas encore pénétré dans les couches les plus basses de la société : nous devons faire l’effort de recevoir ces couches dans la société, et faire que la civilisation devienne le patrimoine de tous. Telle est notre tâche.

En considérant plus attentivement le progrès, nous constatons qu’il se compose de trois éléments, à savoir le progrès dans la production, dans la distribution, et dans la consommation des richesses. Voyons d’abord le progrès dans la production des richesses.

La production des richesses est ce qu’il y a de plus important, car si nous ambitionnons de civiliser les masses populaires, nous devons multiplier la quantité de produits de première nécessité, ou les produits nécessaires à la subsistance. Ce n’est qu’à ce prix que nous parviendrons à apporter le progrès moral et matériel aux masses. On peut dire généralement que dans tous les pays les besoins des masses sont extrêmement mal couverts. En France, par exemple, le revenu moyen d’un homme ne dépasse pas 63 centimes par jour. Dès lors, chères Excellences, que convient-il de faire pour civiliser le peuple ? Il faut accroître la productivité ; il faut permettre à chaque homme de couvrir ses besoins naturels. Je rejoins Michel Chevalier, qui affirme que la tâche du progrès est d’accroître la production.  

Cependant le progrès ne dépend pas uniquement de la quantité de biens produite ; il faut encore que la richesse soit équitablement distribuée au sein du peuple, et ce serait un triste spectacle si la production restait la propriété d’une frange de la société. Il est nécessaire, d’après moi, que la richesse soit non seulement produite, mais distribuée équitablement au sein du peuple, dans ses différentes classes.

Enfin, le troisième élément du progrès est la consommation de la richesse produite. Non seulement la richesse doit être produite le plus abondamment possible, et distribuée équitablement, mais il faut encore que cette richesse soit consommée d’une telle manière que le capital non seulement n’en reçoive aucune atteinte, mais qu’il s’accroisse ; si ce n’est pas le cas, alors la société, au lieu de s’enrichir, s’appauvrira. Le capital est nécessaire au développement de la société ; il est la garantie la plus certaine du progrès futur. 

Telles sont les trois parties dans lesquelles on peut diviser le progrès. Si nous étudions chacune d’elles séparément, nous verrons qu’elles peuvent encore être elle-mêmes divisées. Dans la production de la richesse, par exemple, on retrouve le progrès dans l’invention des machines, dans les méthodes de production, l’accumulation du capital, les associations de capitaux, etc. De même, les deux autres éléments du progrès, à savoir la distribution et la consommation des richesses, peuvent encore se diviser en de nombreuses sous-catégories. Cela dit, je passe à ma conclusion.

Le progrès est le résultat d’une combinaison harmonieuse et se présente à nous comme la somme d’un nombre infini de parties constitutives ; il ne peut pas découler seulement du développement d’un aspect isolé de la vie sociale. Le bien public ne dépend pas d’un seul facteur. On nous présente l’association comme devant servir de facteur unique. Chères Excellences, l’association est, il est vrai, un formidable outil pour la production. Il est nécessaire que l’association soit possible dans tous les domaines, mais il est tout aussi nécessaire que des machines soient inventées, et que le crédit accélère l’accumulation du capital. L’association seule ne saurait accroître la production ; plus il y aura d’associations, mieux cela sera ; mais leur seule existence ne saurait enfanter le progrès. Voici donc ma conclusion. Ceux qui prêchent le socialisme avancent quelques vérités, mais on ne saurait déterminer à l’avance les formes que doit prendre l’humanité et auxquelles elle devrait s’arrêter ; cela nous est impossible aujourd’hui. Le progrès ne peut pas être inventé ; c’est un phénomène qui se développe sans cesse. Nous disposons aujourd’hui d’excellentes machines, mais ces machines elles-mêmes ne sont pas indépassables ; de nouvelles seront inventées, et on ne peut prédire exactement lesquelles. Le progrès ne se résume pas à un instant, mais est le produit de tous les âges et de tous les peuples. J’en viens à ma conclusion. Il faut travailler au succès du progrès, mais ce n’est pas encore suffisant : nous ne devons pas uniquement avancer dans la voie du progrès, nous devons faire plus encore : nous devons protéger ce qui a été accompli. Il est clair qu’une société civilisée ne peut être une nouvelle société, pas plus qu’un retour à une société antique. La civilisation des Anciens se fit encercler par la barbarie. À l’époque, seuls les Grecs et les Romains étaient civilisés, mais désormais tout le continent de l’Europe est civilisé, et il n’y a plus rien à craindre d’une invasion de barbares. La civilisation peut se développer dans la paix. Je sais bien que l’ouest craint la barbarie de Moscou. Permettez-moi de dire que cela me fait rire. Sans parler des classes supérieures russes, hautement civilisées, et qui ont déjà atteint aux plus haut degrés de raffinement de la civilisation, les plus basses classes du peuple russe sont aussi si honnêtes, si intelligentes, si industrieuses et si accueillantes envers les étrangers, que je pense que bien des nations civilisées devraient être jalouses de vous. Ils nous alarment avec les succès des Russes en Russie, et essaient de présenter de manière angoissante les nouveaux succès enregistrés en Asie. À cela, je réponds : tant mieux si les Russes font des progrès en Asie. Mon dieu, voyez ce que ces succès signifient : oui, ces succès répandent la civilisation. De même que je me réjouis des succès des Anglais en Asie et des Français en Afrique, je me réjouis des succès des Russes en Asie.

La barbarie s’effrite chaque jour davantage. Les peuples non-civilisés sont si faibles aujourd’hui que 50 000 soldats armés de fusils et de canons sont suffisants pour mettre en échec la force brute des peuples non-civilisés. Les peuples civilisés tâchent de maintenir leur civilisation par les traités, et ils ne recourent pas de bon gré à l’emploi des moyens barbares, c’est-à-dire à la force brute. Les guerres sont désormais si rares, et le goût de la paix si répandu, que bientôt les différends des peuples se règleront pacifiquement, et non par des guerres, qui ont été jadis si cruelles, mais qui semblent devoir appartenir au passé. Mais il sera toujours nécessaire de défendre la civilisation contre la barbarie. Il faut que la civilisation se répande parmi les peuples non-civilisés. C’est la mission de notre temps. C’est ce qui représente la force et la gloire de notre époque, de même que le désir de répandre la civilisation dans les basses classes de la société, par voie d’un développement naturel, et de même que l’émancipation des serfs qui a eu lieu en Russie.


ПУБЛИЧНЫЯ ЛEКЦIИ 

Г. MОЛИНАРИ. 

ЛEКЦIЯ ПЕРВАЯ. 

 

Прогрессъ какъ предметъ политической зкохомiи. — Понятiе о прогрессѣ грековъ, римлянъ и новѣйшихъ народовъ. — Прогрессъ съ точки зрѣнiя матерiальной и нравственной. — Прогрессъ производства богатствъ, распредѣленiя ихъ и потребленiя. 

 

Милостивые государи и государыни! Прежде всего я хочу поблагодарить васъ за гостепрiимство, которое я встрѣтилъ, и за радушiе, которымь пользовался въ Петербургѣ прошедшiй разъ. Я надѣюсь, что и теперь cлушaтeли будутъ также благосклонны ко миѣ, какъ и прежде. Hа зтотъ разъ я буду бесѣдовать съ вами объ зкономическомъ прогрессѣ. Предметъ зтотъ я выбралъ потому, что онъ составляетъ вопросъ, въ наcтоящее время всѣхъ занимающiй, — зто справедливо и для Роcciи, гдѣ еще такъ недавно совершилась великая реформа. — Милостивые государи и государыни, у васъ нѣтъ болѣе крѣостныхъ, — поздравляю васъ съ этимъ, не только какъ человѣкъ, но и какъ экономистъ. Я имѣю причины говорить такимъ образомъ. 

Насъ, экономистовъ, обыкновенно упрекаютъ въ томъ, что мы ничего не основываемъ; намъ говорятъ: вы реалисты, вы умѣете только критиковать, вы умѣете только отрицать; но когда вы начинаете творить—вы безсильны! 

Это справедливо, мы, экономисты, прежде всего реалисты; но вѣдь всѣ науки реальны, и политическая экономiя преимущественно должна быть реальна. Чѣмъ занимается политическая экономiя? Она занимается естественной организацiей общества, она описываетъ, какъ общество образуется, развивается, процвѣтаетъ, точно такъ, какъ анатомiя, физiологiя — изслѣдуютъ человѣческое тѣло. Политическая экономiя есть ни что иное, какъ физiологiя общества. Какъ анатомiя и фиiгологiя имѣютъ практическую цѣль, выробатывать познанiя и свѣдѣнiя, которыми пользуются хирурги для исправленiя тѣла человѣческаго, съ цѣлiю поддерживать его въ хорошемъ положенiи, точно также такую же цѣль должна имѣть политическая экономiя въ отношенiи къ обществу. 

Вы, конечно, знаете, что родъ человѣческiй пришелъ къ своему теперешнему состоянiю путемъ долгаго и постепеннаго развитiя. Все живущее постепенно проходило низшiй организмъ. Всмотритесь въ организацiю дикихъ племенъ и народовъ образованныхъ—вы найдете здѣсь огромную разницу. Общество чрезвычайно усовершенствовалось съ тѣхъ поръ, какъ человѣкъ перешелъ отъ дикaго состоянiя къ образованному. Политическая экономiя должна заниматься этимъ обшщественнымъ прогрессомъ, изслѣдованiемъ организацiи общества. Вотъ почему, она должна быть реальиою. 

Если мы хотимъ имѣть точное понятiе объ обществѣ еще болѣе совершенное, чѣмъ наше,—необходимо знать общество, какимъ оно было прежде и каково оно теперь? Если мы не хотимъ впасть въ погрѣшность и безплодно идеализируя, подобно соцiалистаптъ, выдумывать невозможное общество—будемъ критиковать настоящее, будемъ отрицать, и этимъ путемъ постараемся хорошенько постигнуть общество, дѣйствительно существующее. 

Насъ упрекаютъ въ томъ, что изобрѣтается много системъ ложныхъ; я не жалуюсь на это, потому что, если появляются системы, то это будетъ служить лучшимь доказательствомъ умственной дѣятельности общества. Среди этого обилiя системъ, среди этого хаоса, можетъ всплыть истина, подобно тому, какъ серебро выискивается въ массахъ неолагороднаго металла. Истина достигается только путемъ многихъ заблуждехiй; когда мы освободимся отъ этихъ заблужденiй, останется одна правда—идея практическая . Надо поощрять то увлеченiе, съ которымъ выдумываются новыя системы ихъ изобрѣтателями; нужно уважать тѣ побужденiя, которыя заставляготъ ихъ постоянно предлагать новыя системы, проводить ихъ въ жизнь, тѣмъ болѣе, что онѣ имѣютъ цѣлью благосостоянiе рода человѣческаго. Дѣлающiе предложенiя не обращаютъ вниманiя на различнаго рода препятствiя; но мы, экономисты, не реалисты только; мы идеализируемъ, но нашъ, идеализмъ научный. Трудно выдумать совершенную систему. Вѣдь здѣсь нельзя довольствоваться идеалами, годными для романовъ; вѣдъ здѣсь нуженъ научный идеалъ. 3дѣсь нужно предвидѣть, въ какомъ направленiи нужно вести общество; здѣсь нужно опредѣлить это направленiе. Нужно съ точностiю обозначить путь, по готорому должно идти общество въ будущемъ; тутъ воображенiе не можетъ оказать никакой помощи. Если вы хотите проектировать общество, нужно прежде всего изучить то, которое существуетъ. Это изученiе представляется чрезвычайно труднымъ, но безъ него мы будемъ выдумывать чудовищныя теорiи. 

Возьмемъ въ примѣръ грековъ. Мы знаемъ, что большинство не вѣрило въ прогрессъ, и зто потому, что въ первоначальныя времена исторiи не было еще матерiаловъ, указывающихъ на существованiе прогресса. Но было нѣсколько людей и въ тѣ времена, которые уже тогда угадывали возможность развитiя, которые вѣрили въ прогрессъ человѣчества. Мы знаемъ, что Платонъ создавалъ образецъ общества; онъ думалъ, что оно должно имѣть характеръ чисто коммунистическiй, и узаконялъ рабство; онъ думалъ, что гражданинъ не долженъ заботиться самъ объ удовлетворенiи своихъ нуждъ. Идеалъ общества, созданный Платономъ, показался страннымъ даже его современникамъ, и Аристофанъ осмѣялъ его въ своихъ комедiяхъ. Hасъ не удовлетворитъ не только точка зрѣнiя Платона на общество, но и точка зрѣнiя Аристотеля, который въ своей республикѣ полагалъ необходимымъ рабство. Вотъ какъ понималась идея прогресса въ Грецiи. — Перейдемъ теперь къ римлянамъ; мы найдемъ тамъ болѣе широкiй общественный идеалъ,—римскiй мiръ былъ обширнѣе, свѣдѣнiя о немъ были полнѣе. Цицеронъ говоритъ: « Я называю нашимъ отечествомъ не только пространство, обнесенное нашими стѣнами, но цѣлый мiръ, въ которомъ живутъ какъ боги, такъ п люди и который служитъ имъ общимъ отечествомъ. Ничто не имѣетъ такого близкаго сходства, какъ люди, одинъ съ другимъ; какiя бы опредѣленiя ни давались различнымъ людямъ, они пригодны будутъ всѣиъ имъ. » И такъ, милостивые государи, можно ли было сказать чтонибудь лучшее даже въ настоящее время. Послѣ римлянъ мы должны миновать много вѣковъ, пока встрѣтимся съ идеей прогресса. Мы находимъ ее только въ XIII вѣкѣ, у Рожера Бекона, который предрекъ всѣ чудныя изобрѣтенiя, составляющiя теперь силу крупной промышленности. Вотъ что онъ говорилъ въ XIII вѣкѣ. « Что можетъ выдумать человѣкъ?» спрашиваетъ онъ, и отвѣчаетъ: «можетъ построить машины, способныя творить громаднѣйшiе предметы, скорѣе чѣмъ цѣлая толпа людей. Для управленiя машиной нуженъ будетъ только одинъ человѣкъ. Такъ, съумѣютъ двигать зкицажъ съ невѣроятной скоростью, безъ помощи животнаго. Наконецъ не будетъ невозможнымъ дѣлать орудiя, помощiю которыхъ можно будетъ носиться въ воздухѣ, съ быстротою глаза, подобно птицамъ. » 

Позднѣе, въ ХVI вѣкѣ, является уже нѣсколько человѣкъ, число которыхъ постоянно возрастаетъ, которые занимаются идеею прогресса. Такъ она занимала умы Макiавели, Монтаня въ особенности. Эти скептическге умы понимали прогрессъ такъ же, какъ и древнiе, т.-е. что прогрессъ человѣческiй подобенъ дѣятельности бѣлки въ колесѣ. 

Въ XVII вѣкѣ уясненiемъ значенiя прогресса занимается уже довольно значительное число лицъ, между которыми замѣчательны Декартъ и Паскаль. Паскаль въ такихъ замѣчательныхъ выраженiяхъ формулируетъ теорiю прогресса. «Ульи пчелъ тысячу лѣтъ тому назадъ, говоритъ онъ, были также хорошо соображены, построены, какъ и теперь. Каждах изъ пчелъ, строитъ свой шестиугольникъ съ такою же точностiю въ первый разъ, какъ и впослѣдствiи. Нельзя сказать того же о человѣкѣ. Онъ въ первые годы своей жизни живетъ полнылхъ невѣждой, но потомъ, развиваясь, онъ безпрестанно научается чему нибудь, потому что пользуется не только своими собственными способностями, но еще трудами своихъ предшественниковъ, потому что хранитъ въ своей памяти знанiя, накопленныя и оставленныя имъ въ книгахъ. Сохраняя эти зланiя, человѣкъ можетъ легко увеличить ихъ. Слѣдствiемъ того является, не только то, что каждый человѣкъ, благодаря его особеннымъ способностямъ, развивается съ каждымъ днемъ, но что все человѣчество незамѣтно безпрестанно развивается, по мѣрѣ того, какъ старѣeтся мiръ. При постоянной смѣнѣ поколѣнiй происходитъ тоже, что замѣчается въ различные годы частной жизни, такъ что рядъ поколѣнiй втеченiе вѣковъ долженъ быть разсматриваетъ, какъ человѣкъ, который постоянно живетъ и учится. 

Невозможно опредѣлить идею прогресса вырансенiями болѣе точными и болѣе ясными: «человѣчество можно уподобить человѣку, никогда не умирающему и постоянно учащемуся». 

Начиная съ XVIII вѣка, идея прогресса уже не составляетъ удѣла немногихъ лучшихъ умовъ, но проникаетъ въ массы, популяризируется, выходитъ на площади; до сихъ поръ она никогда не была такъ распространена. Я не знаю ни одной теорiи прогресса, которая бы меня могла удовлетворить, никто еще изъ экономистовъ не съумѣлъ предложить совершенной теорiи. Разсмотрите исторiю, и вы найдете теорiю цивилизацiи не безъ нѣкоторыхъ достоинствъ, но ни одной вполнѣ удовлетворительной. Я вамъ указалъ уже, чтó нужно для того, чтобы составить научную теорiю. 

Какъ бы то ни было, но прогрессъ существуетъ,—это фактъ. Между тѣмъ эта польза прогресса нѣкоторыми отвергалась. Вы знаете, что Руссо утверждалъ, что все, что сдѣлалъ человѣкъ, все, чѣмъ онъ удалился отъ дикаго состоянiя, вредно. На теорiи Руссо смотрятъ теперь только какъ на блестящiя мечтанiя, какъ на блестящiй парадоксъ. Намъ говорятъ, что мы далеко ушли, что необходимо чтобъ мы вернулись нѣсколько назадъ. Такъ, напр., у насъ, въ Бельгiи, существуетъ слѣдующее заблужденiе: намъ совѣтуютъ вернуться къ среднимъ вѣкамъ. Но что значитъ возвратиться къ среднимъ вѣкамъ? Журналъ, служащiй органомъ этой поэтической идеи, Lе Bien public, вздумалъ, для бòльшаго укрѣпленiя себя въ своей теорiи, печатать готическими буквами. На это было весьма остроумно замѣчено, что это благодътельное изобрѣтенiе—печатанiе—не существовало въ cреднiе вѣка, а потому, чтобы быть послѣдовательнымъ, нужно было бы отказаться отъ этого ненавистнаго изобрѣтенiя. Вотъ, къ чему должна была привести логика Le Bien public. Мы не можемъ отвергать того, что прогрессъ существуетъ, накъ фактъ. Но положимъ, что зто несправедливо; но Боже мой, вѣдь говорить подобныя вещи мы могли бы только тогда, если бы не въ состоянiи были замѣтить разницы между первобытнымъ и современиымъ состоянiемъ человѣка. Нужно ихъ только сравнить, и тогда легко будетъ видѣть разницу между тѣмъ, кто остался въ первобытномъ состоянiи и тѣмъ, который пользуется результатами прогресса. — Такъ, я, гуляя по Невѣ, видѣлъ шатеръ лапландцевъ, вошелъ въ этотъ шатеръ, и что же я увидѣлъ въ немъ? Я увидѣлъ тамъ крайнюю бѣдность, отсутствiе всего необходимаго для человѣка ; когда же я взглянулъ на лапландцевъ, то я не могъ замѣтить въ ихъ физiономiяхъ и глазахъ ни малѣйшаго признака разсудка. Вотъ что значитъ первобытное состоянiе; теперь посмотримъ, что намъ далъ прогрессъ съ точки зрѣнiя матергальной. Мы можемъ доказать, что прогрессъ даровалъ намъ громадный капиталъ въ области матерiальной цивилизацiи. Его слѣдствiе есть та организацiя общества, которою мы пользуемся теперь; эти слѣдствiя благотворны. Тогда какъ для человѣка въ первобытномъ состоянiи, для того, чтобъ онъ существовалъ, необходимо пространство въ одинъ квадр. калом.; въ Бельгiи мы достигли того, что 1 квадр. километръ кормитъ 154 человѣка. Вотъ ощутительные результаты прогресса. И такъ, цивилизацiя кормитъ во сто разъ болѣе людей; чѣмъ варварство. И такъ, жизнь человѣка гораздо болѣе обезпечена теперь. Вотъ положительные и дѣйствительные результаты цивилизацiи. Теперь посмотримъ на прогрессъ съ точки зрѣнiя моральной. Мы знаемъ, что этотъ капиталъ цѣннѣе, выше, чѣмъ нашъ капиталъ матерiальный. Въ этомъ можно убѣдиться, допустивъ предположенiе, что весь матерiальный капиталъ, которымъ мы обладаемъ, исчезъ. Достаточно бы было нѣсколькихъ лѣтъ прилежной работы, и капиталъ этотъ снова создался бы. Тогда какъ еслибы мы потеряли нравственный, умственный капиталъ, мы не могли бы его создать такъ скоро; зто потребовало труда впродолженiе многихъ cтолѣтiй. Этотъ моральный капиталъ въ Европѣ громаденъ. Я хочу указать только на незначительную часть его, на значенiе библготекъ. Что такое книга?—Это скопленный моральный капиталъ, резервуаръ всего того, что челов Я къ передумалъ,—всего, что онъ открылъ. Мы очень удивляемся телеграфамъ. Дѣйствительно, они стоятъ того; помощiю ихъ мы сообщаемся съ живыми людьми, помощiю же книги приходиггъ въ такое же сообщенiе съ умершимъ человѣкомъ; можемъ усвоить его ясную, опредѣленную мысль. Вотъ удивительные результаты нашей цивилизацiи. Мы можемъ ими гордиться; но удержимся отъ увлеченiя. Мы превосходимъ во всѣхъ отношенiяхъ народы необразованные; но все-таки наша цивилизацiя далека отъ совершенства. Дѣйствительно, можно удивляться тому нравственному и матерiальному капиталу, о которыхъ мы говорили, но они достались въ удѣлъ только меньшинству. Пoлoжexie большинства далеко не такъ удовлетворительно во всѣхъ странахъ. Вездѣ мы находимъ многочисленную массу, дурно обезпеченную въ своемъ существованiи, мало знакомую не только съ комфортомъ, но даже съ начатками этого комфорта. Матерiальгтые и нравственные результаты цивилизацiи мало распространены въ народѣ; но, Боже мой, вѣдь они составляютъ необходимое условiе прогресса. Народъ, огромное его большинство, не умѣетъ читать. Возьмите статистику просвѣщенiя,—вы увидите, что во Францiи, только 40 человѣкъ изъ ста грамотны; изъ этихъ 40 человѣкъ одинъ на трехъ умѣетъ читать и писать. И такъ, мы достигли высокой цивилизацiи, но она еще не низошла въ низшiе слои общества; мы должны теперь стараться, чтобъ она вошла въ эти низшiя сословiя общества, чтобъ эта цивилизацiя сдѣлалась общимъ достоянiемъ. Вотъ въ чемъ состоитъ наша задача. 

Всматриваясь ближе въ прогрессъ, мы видимъ, что онъ слагается изъ трехъ элементовъ; эти три элемента слѣдующiе: прогрессъ производства богатствъ, прогрессъ распредѣленiя ихъ и, наконецъ, потребленiя. Разсмотримъ сначала прогрессъ развптiя богатствъ. 

Производство богатствъ есть самое важное дѣло, потому что, если мы хотимъ цивилизовать массы народа, нужно прiумножить массу необходимыхъ произведенiй, самыхъ необходилгыхъ средствъ существованiя. Тогда только намъ удастся нравственный и матерiальный прогрессъ массъ. Общiй фактъ для всѣхъ государствъ, даже для самыхъ богатыхъ, тотъ, что нужды массъ очень слабо удовлетворяются. Во Францiи, напримѣръ, среднiй доходъ француза не превышаетъ 63 сант. въ день. И такъ, мм. гг., что нужно сдѣлать для того, чтобы цивилизовать народъ?—Нужно умножить производительность; нужно, чтобъ человѣкъ былъ обезпеченъ въ своихъ естественныхъ нуждахъ. Я согласенъ съ Мишелемъ Шевалье, который говоритъ, что задача прогресса состоитъ въ умноженiи производства. 

Но прогрессъ не зависитъ единственно отъ количества производства; нужно, чтобы произведенныя богатства распредѣлялись равномѣрнѣе въ народѣ, и было бы грустнымъ фактомъ, если-бы результаты производства составляли достоянiе не многочисленнаго общества. Нужно, говорю, чтобъ богатства производились и распредѣлялись равномѣрнѣе въ народѣ, между всѣми классами народа. 

Затѣмъ, третiй элементъ прогресса соетавляетъ потребленiе произведенныхъ богатствъ. Мало того, чтобъ богатства производились наибольше, чтобъ они правильно распредѣлялись, но также необходимо потреблять эти богатства такимъ образомъ, чтобы капиталъ не только не уменьшался, но увеличивался; если этого не будетъ, то общество, вмѣсто того, чтобъ богатѣть, обѣдиѣетъ. Капиталъ необходимъ для развитiя общества; онъ есть самое надежное ручательство за возможность прогресса. 

И такъ, прогрессъ состоитъ, раздѣляется на три части. Теперь, если мы разсмотримъ каждую изъ этихъ трехъ частей прогресса; каждая изъ нихъ, въ свою очередь, раздѣляется на много составныхъ частей. Въ производствѣ богатствъ, напримѣръ, мы найдемъ прогрессъ въ изобрtтенiи машинъ; прiемовъ производства, прiумноженiя капиталовъ, ассосiацiи капиталовъ, и т. п.

Точно такимъ же образомъ раздѣляется на много составныхъ частей и каждый изъ двухъ остальныхъ элементовъ прогресса, т.-е. распредѣленiе и потребленiе богатствъ.—Затѣмъ перейду къ заключенiю. Прогрессъ есть результатъ совокупнаго гармоническаго влiянiя всѣхъ  его элементовъ; прогрессъ слагается изъ безконечнаго числа составныхъ его частей, онъ не можетъ заключаться въ развитiи одной какой нибудь стороны жизни общественной. Общественныя бъдствiя не могутъ быть устраняемы какимъ нибудь однимъ средствомъ. Намъ говорятъ, что такимъ средствомъ можетъ служить ассосiацiя. Но, милостивые государи, дѣйствительно ассосiацiя есть могущественное средство облегченiя производства. Нужно, чтобы ассосгацiя составлялась во всѣхъ возможныхъ случаяхъ, но также необходимо, чтобы изобрѣтались машины, нужно, чтобы вы прiумножали свои капиталы, чтобы распространялось примѣненiе кредита. Одной ассосiацiи будетъ недостаточно для умноженiя производства; чѣмъ ассосiацiи наиболѣе распространены, тѣмъ лучше; но одно распространенiе ихъ не можетъ обезпечить существованiе прогресса. Вотъ наше заключенie. Проповѣдывавшiе соцiализмъ имѣли долю правды, но мы не можетъ опредѣлять заранѣе формъ, къ которымъ должна прiйти и на которыхъ должна остановиться общественная жизнь; это невозможно теперь сдѣлать. Прогрессъ есть дѣло такого рода которое не можетъ быть выдумано, сочинено; но такое дѣло, которое развивается, двигается безконечно. У насъ есть теперь прекрасныя машины, но и эти машины еще не послѣднiя, надо изобрѣсти новыя, и эти новыя машины не могутъ быть импровизированы. Прогрессъ не есть дѣло минуты, но есть результатъ всѣхъ временъ и людей. Вотъ наше заключенiе. Мы должны заботиться о преуспѣянiи прогресса, но этого еще мало; мы должны не только двигаться впередъ по пути прогресса, но сдѣлать еще что-то большее; мы должны сохранить то, что уже сдѣлано. Taкилвъ образомъ, непремѣнное условiе цивилизацiи общества состотттъ въ толтъ, что цивилизованное общество не мозкетъ быть новымъ обществолтъ, но не иначе, какъ обществолiъ давно cуществующилтъ. Цивттлизацiя древчихъ была окружена варварствомъ. Сначала только греческое и римское общества были цивилизованы, но теперь весь континентъ Европы цивилизовался; теперь нечего уже бояться нашествiя варваровъ. Цивилизацiя можетъ спокойно развиваться. Я хорошо знаю, что у насъ на западѣ боятся москoвскаго варварства. Признаюсь, зто меня cмѣшитв. He говоря уже о выспгемъ слоѣ общества русскаго, цивилизованномъ, которое освоилось уже со всѣми возможными утонченностямм цивилизацiи, самые низшiе классы народа вашего такъ честны, такъ смышленны, такъ трудолюбивы, такъ гостепрiимны въ отношенiи иностранцевъ, что думаю, что многiе народы цивилизованные могли бы позавидовать вамъ. Насъ пугаютъ успѣхами русскгтхъ въ Россiи, стараются представить страшными эти новые успѣхи въ Азiи. На это я oтвѣчу такъ. Россiя дѣлаетъ успѣхи въ Азiи, тѣмъ лучше. Боже мой! да что же значутъ эти успѣхи; да вѣдв зто распространяетъ цивилизацiю. Tакъ какъ я въ восторгѣ отъ успѣхoвъ англичанъ въ Азiи, фраицузовъ въ Африкѣ, я точно также въ воcтopгѣ отъ успѣховъ русскихъ въ Азiи. 

Варварство съ каждымъ днемъ слабѣетъ. Необразованные народы такъ слабы, что теперь будетъ достаточно 50,000 войска, вооруженнаго нарѣзными ружьями и пушками, чтобы удержать въ предѣлахъ грубую силу необразованныхъ народовъ. Образованные народы стремятся къ сохраненiю своей цивилизацiи трактатами, и не охотно пргтбѣгаютъ кѣ варварскилтъ средствамъ, употребленiю грубой силы. Войны теперь такъ рѣдки, стремленiе къ миру столь обще, что со временемъ всѣ несогласiя народовъ будутъ рѣшаться мирно, а ни какъ не войнами, которыя были прежде такъ жестоки, и, кажется, можно сказать, что перiодъ войнъ проходптъ. Защищать же цивилизацiю противъ варваровъ налтъ не прiйдется. Намъ нужно заботиться о тoмъ, чтобы цивилизацiя распространилась между необразованными народами. Вотъ задача нашего времени. Вотъ что составитъ силу и славу нашего времени, точно такъ же, какъ и стремленiе внести цивилизацiю въ низшiе классы общества путелтъ мирнаго естественнаго развитiя, подобно тому, какъ совершилось освобозкденiе крѣпостныхъ въ Россiи.

A propos de l'auteur

Ami, collaborateur et disciple de Frédéric Bastiat, Gustave de Molinari fut le plus grand représentant de l'école libérale d'économie politique de la seconde moitié du XIXe siècle. Auteur d'une centaine d'ouvrages et brochures, il est surtout connu pour sa défense de la liberté des gouvernements.

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