Dictionnaire de la tradition libérale française
ABANDON D’ENFANT. La question de l’abandon ou de l’exposition des enfants (on parle aussi d’enfants trouvés) sera pleinement traitée dans une sous-partie de l’article Enfants-Enfance. D’après le langage courant, se rendent coupables d’abandon d’enfant, non ceux qui délaissent leur progéniture à la mère naturelle, et font banqueroute de la paternité, mais uniquement ceux qui forcent la charité publique à élever les enfants qu’ils ont conçus. Jean-Jacques Rousseau par exemple a poussé à cinq reprises sa compagne Thérèse à faire déposer au bureau des Enfants-Trouvés les nouveaux-nés dont elle accouchait, et il est mort sans postérité officielle. (Œuvres complètes, éd. thématique du tricentenaire, t. I, p. 466, en note) Alexis de Tocqueville, devenu père à 16 ans, n’a pas non plus légué son nom à une descendance reconnue ; ayant trouvé un arrangement, selon toute vraisemblance, avec la jeune servante de la préfecture de Metz qu’il avait séduite, il n’a pas pratiqué de lui-même le travers qu’il a ensuite longuement étudié dans quatre mémoires successifs sur la question des enfants trouvés (Jean-Louis Benoît, Tocqueville, p. XXX ; Françoise Mélonio, Correspondance choisie de Tocqueville, éd. Quarto, p. 102) La pratique de l’abandon d’enfant est fréquemment une suite de la Pauvreté ou de la Misère, dont on a fait un article commun, malgré la nuance du vocabulaire. Elle est une conséquence courante de l’Adultère et même du Concubinage, quoique les couples dûment liés par le Mariage aient aussi fourni des recrues à l’armée des enfants abandonnés. D’après les défenseurs de l’institution des « tours », l’abandon des enfants à l’Assistance publique permettrait d’éviter les Infanticides et les Avortements. Généralement plus sceptiques envers les institutions de la charité publique, de nombreux libéraux, tels que Frédéric Passy, Paul Leroy-Beaulieu, Yves Guyot ou Gustave de Molinari, entendirent résoudre l’abandon d’enfants par l’autorisation de la Recherche de la paternité et l’exercice forcée de la responsabilité individuelle.
On ne dit pas couramment qu’un enfant mis en crèche est abandonné. De même, lorsque l’abandon est limité dans le temps, il n’en relève pas directement, selon les meilleurs juges. Ainsi ce n’est pas dans la discussion des enfants abandonnés qu’on doit rappeler le cas fréquemment discuté par les observateurs libéraux de la condition ouvrière, de ces jeunes créatures que leurs mères empoisonnaient à l’aide d’une drogue spéciale pour aller librement danser ou s’enivrer au cabaret. (Villermé, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers, etc., 1840, p. 168 ; Gustave du Puynode, Lettres économiques sur le prolétariat, 1848, p. 211 ; Jules Simon, L’Ouvrière, 1861, p. 143 ; Henri Baudrillart, Des habitudes d’intempérance, 1868, p. 13 ; Paul Leroy-Beaulieu, De l’état moral et intellectuel des populations ouvrières, etc., 1868, p. 83.)
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