Dans sa réunion du 5 juin 1884, la Société d’économie politique met à l’étude la question du travail des femmes. Dans leur écrasante majorité, les orateurs font valoir les uns après les autres que la vraie place de la femme est au foyer, et que la famille, cet élément clé de la civilisation, est mise en danger par l’entrée massive des femmes dans le monde du travail.
SOCIÉTÉ D’ÉCONOMIE POLITIQUE
RÉUNION DU 5 JUIN 1884.
DISCUSSION : Où la femme, au point de vue économique,
est-elle mieux placée,au foyer de la famille ou dans l’atelier ?
La séance est présidée par M. Léon Say, premier président.
M. A. Courtois, secrétaire perpétuel, énumère les ouvrages et brochures qui ont été adressés à la Société depuis la précédente réunion.
L’assistance adopte comme sujet de discussion la question suivante, proposée par MM. Frédéric Passy et Jules Simon :
OÙ LA FEMME, AU POINT DE VUE ÉCONOMIQUE, EST-ELLE MIEUX PLACÉE,
AU FOYER DE LA FAMILLE OU DANS L’ATELIER ?
Sur l’invitation de M. le Président, M. Frédéric Passy, l’un des signataires de la question mise en discussion, prend le premier la parole, non sans s’excuser de passer devant M. Jules Simon.
Il y a quelque chose comme sept ou huit ans, dit-il, j’étais président de l’Association philotechnique de Neuilly, à la naissance de laquelle j’avais quelque peu contribué, et j’avais été assez heureux pour procurer à son public naissant le plaisir d’entendre quelques conférenciers de choix : M. Laboulaye, M. Franck, M. Levasseur, M. Foucher de Careil, M. Mangin et d’autres. On n’avait pas eu M. Jules Simon ; on voulait l’avoir, et j’avais été chargé de lui porter l’expression de ce désir. On sait avec quelle bonne grâce M. Jules Simon accorde une faveur, et avec quel charme il la refuse. Il trouva moyen de faire l’un et l’autre, avec un double agrément. « Je ne fais plus de conférences, me dit-il ; j’ai dû, comme président de l’Association philotechnique de Paris, me l’interdire absolument, sous peine de ne pas avoir une journée à moi. Je ne puis faire une exception pour vous, quelque désir que j’en aie. Mais je n’ai pas renoncé au plaisir d’en entendre quelquefois, ajouta-t-il, et vous en faites. Faites-en une sur un sujet qui m’intéresse, j’irai l’écouter. » Je rapportai cette réponse à mes commettants, qui la trouvèrent à leur gré ; j’eus l’honneur de parler, devant M. Jules Simon, de l’instruction des femmes ; et tout le monde fut ravi de la façon dont il s’acquitta de son rôle d’auditeur.
Je joue ce soir, je l’espère bien, le même jeu, pour mon profit et pour le vôtre, et presque sur le même terrain, car c’est encore des femmes et de leur situation qu’il s’agit.
La question inscrite à l’ordre du jour, continue M. F. Passy, rentre dans ce que l’on appelle la question des femmes. Elle n’en vise qu’un côté ; c’est sous de bien autres aspects que l’on pourrait envisager le rôle et la place de la femme dans la société. Telle qu’elle est, et restreinte au point de vue économique, elle a son importance, et elle méritait d’être examinée ici.
Ce n’est pas qu’en principe elle puisse donner lieu à de grandes discussions. Si je ne me trompe, l’énoncer c’est la résoudre. À tous égards, et sans contestation possible, la vraie place de la femme est au foyer, c’est-à-dire dans la famille. C’est là qu’elle a toute sa valeur, qu’elle est tout ce qu’elle doit être et qu’elle donne tout ce qu’elle doit donner.
C’est là, pour parler la langue économique, qu’elle fait sa véritable tâche, et l’on a eu raison de dire qu’envoyer la femme au dehors, sous prétexte de procurer à la famille plus de ressources, c’est faire une application fausse de la division du travail. Le travail de la femme c’est, sous ses formes diverses, le travail domestique. C’est le soin du ménage, la surveillance des enfants, l’entretien des vêtements, l’économie, la propreté, l’élégance, si modeste qu’elle soit, du logis, qui, à ce prix seul, est un foyer.C’est le mari retenu àla maison, parce qu’il y est mieux, et nourri plus sainement et à meilleur compte ; ce sont les vieux soutenus et égayés ; les jeunes, éclairés, surveillés, guidés, sans pour ainsi dire s’en douter, dans les bons sentiers où ils continueront à marcher, et écartés des mauvais et de leurs tentations. C’est toute la vie autre, en un mot ; et au point de vue économique, non moins qu’au point de vue moral, cela est incalculable. Une cuisine faite avec intelligence, des achats faits à propos, des effets dont la durée est prolongée par des réparations faites àtemps, c’est, avec les mêmes ressources, avec des ressources moindres, une situation supérieure. M. Jules Simon le disait, si j’ai bonne mémoire, dans une distribution de prix à Suresnes ou à Puteaux : Il n’y a pas d’atelier ni d’école qui tienne ; il faut que la femme sache coudre et faire la cuisine. Il n’y a pas de honte pour elle à ce qu’on voie son père ou son mari porter longtemps des vêtements rapiécés ; il y en a àce qu’on lui voie porter des vêtements troués et passer d’une loque à un habit neuf et réciproquement. L’art de la femme, disait-il encore à Neuilly (le jour où il n’y a pas fait de conférence), c’est, étant donné le budget des recettes, de régler le budget des dépenses. (Avis à nous autres, députés ou sénateurs.) C’est, tandis que l’homme gagne, d’employer le gain. Rien de plus vrai, et il serait bien aisé d’en donner des preuves. Voici, dit M. Passy, un exemple entre mille. Deux ménages étaient, à tous égards, sauf un point, dans la même situation, même travail et même salaire des maris, même logement, même nombre d’enfants, même âge des enfants. Dans l’un (c’était la différence), la femme restait chez elle, et ne gagnait rien ; dans l’autre, elle allait en journée et ajoutait aux 3 fr. 50 ou 4 francs que gagnait l’homme son gain de 1 fr. 50 ou2 francs. Ici c’était la misère, la maison sale, les enfants nu-pieds et en guenilles ; là c’était, non l’aisance à coup sûr, mais presque l’apparence de l’aisance, la chambre propre, les lits faits, les enfants chaussés de bons bas et de bons sabots en hiver, la nourriture réglée, la santé, la bonne humeur et la dignité avec elle. Pourquoi ? Tout simplement parce que le gain de la femme au dehors ne compensait pas la perte causée par son absence ; parce que pendant qu’ici les enfants vagabondaient, brisaient, déchiraient, vidaient la huche, la barrique ou le pot au lard, quand ils étaient pleins, et pleuraient quand ils étaient vides, là une main attentive tenait tout en ordre, ne laissait ni gaspiller ni perdre, faisait à chaque jour son compte et àchaque bouche sa part, et veillait àne pas laisser se produire ces fuites en apparence insignifiantes, en réalité décisives, par lesquelles l’argent, et le bonheur souvent, s’écoulent sans qu’on y prenne garde, comme l’eau d’un vase fêlé.
Donc pas de doute. La femme, au point de vue économique comme au point de vue moral, est faite pour rester au foyer, et il faut souhaiter qu’elle y reste.M. J. Simon a écrit, dans son beau livre de l’Ouvrière: « Si jamais l’atelier est plein et le cabaret vide, la misère est vaincue. » On pourrait dire de même : « Si jamais on arrive à ce qu’il n’y ait plus de femme sans foyer, ni de foyer sans femme, le reste sera donné par surcroît. »
Mais il ne suffit pas de voir ce qui devrait être ; il faut voir ce qui est, et ce qui peut être. Or il est malheureusement impossible de le méconnaître : il y a encore, il y aura toujours peut-être, des cas nombreux dans lesquels cet idéal économique et moral demeurera à irréalisable. Borner sa tâche à être l’âme de la famille, àtenir le foyer chaud et à administrer le gain d’autrui, cela suppose qu’il y a une famille, un foyer, un gain, quelqu’un en un mot par qui comme pour qui l’on vit. En est-il toujours ainsi ? Évidemment non. La femme non mariée, et qui pour subsister n’a que son propre travail, la femme veuve, qui doit pourvoir aux besoins de ses enfants, celle dont le mari malade, le père ou la mère infirmes, attendent les soins et les secours, est bien contrainte d’aller, bon gré, mal gré, chercher au dehors ce qu’elle ne trouve pas chez elle. On ne peut, quoi qu’on en ait, songer à supprimer l’ouvrière. Et par ouvrière il ne faut pas entendre seulement celle que généralement on désigne sous ce nom, je veux dire la femme qui dans une usine ou dans une boutique, va chaque jour passer de longues heures à sa tâche, celle qui dirige le métier àfiler ou à tisser, fait marcher la machine à coudre ou lave le linge sale des autres ; non, il faut entendre toute femme que sa profession entraîne ou retient au loin : celle qui donne des leçons, que ce soit de musique, de peinture ou de danse, de lettres ou de sciences, et celle qui est caissière ou qui tient un comptoir dans un magasin ; il faut entendre la femme employée au timbre ou au classement des titres, la télégraphiste, la téléphoniste, celle qui dessine ou grave comme celle qui brode, et la sage-femme qui court la clientèle, et la femme médecin, quand il y en aura, ce que j’espère assez pour que cela fasse nombre. Toutes, dans des proportions diverses, et avec des résultats divers, selon la rétribution qu’elles obtiennent, sont éloignées de leur foyer et forcées de subir les exigences d’un travail qui les en écarte. Ce qu’il faut chercher, donc, pour être pratique, pour se tenir dans les limites de la réalité, c’est par quelles mesures, par quelles réformes des lois ou des mœurs, on peut, soit réduire le nombre des femmes ainsi appelées au dehors par la nécessité de vivre et de faire vivre, soit diminuer en améliorant leur situation, en modérant leur tâche et en accroissant leur gain, les inconvénients et les conséquences de cette existence.
Àl’appui de ces observations, M. F. Passy indique, à titre d’exemples, et sans prétendre aucunement épuiser le sujet, quelques-unes des réclamations, plus ou moins fondées, qui ont été formulées par les femmes ou en leur nom, et quelques-unes aussi des améliorations essayées ou proposées.
Il signale, d’abord, l’insuffisance trop souvent incontestable du salaire des femmes, et proteste contre cette théorie, à son avis aussi peu justifiable en économie politique qu’en morale, qui a introduit jusque dans la rétribution du travail la prétendue inégalité des sexes. Le travail, dit-il, n’a pas de sexe : il vaut ce qu’il vaut, quelle que soit la main qui le fait.Il y a, assurément, des travaux pour lesquels la femme ne peut rivaliser avec l’homme, comme il y en a pour lesquels, à raison de ses aptitudes particulières, elle lui est supérieure. Qu’elle soit moins payée pour les uns, plus pour les autres, il n’y a rien à y redire : c’est la loi de l’offre et de la demande. Mais que, pour le même travail, ainsi que cela se voit tous les jours, elle n’ait que moitié ou deux tiers de salaire ; que non seulement le patron particulier, mais l’État, dans ses tarifs, ait des taux différents pour le même service selon que c’est un homme ou une femme qu’il en charge, c’est une faute ; une faute qui a sa source dans une conception fausse de l’infirmité de la femme et qui tend, par ses conséquences, à maintenir en fait cette infériorité avec tous ses inconvénients.La femme, insuffisamment payée, est réduite souvent à chercher, dans de déplorables et dangereuses compensations, le remède à une situation impossible ; et réciproquement, la part pour laquelle elle peut être supposée, dans un certain nombre de cas, recourir à ces expédients inavouables pèse d’un poids écrasant sur l’ensemble des salaires féminins et en déprime le taux.
La même fausse conception se retrouve, à tout instant, dans nos lois, dans nos habitudes et dans nos idées. Je ne sais s’il est bien urgent, comme le réclame notre excellent collègue M. de Gasté, que les femmes soient investies demain de tous les droits politiques ; qu’elles votent pour nous et que nous votions pour elles, et que nous les voyions figurer parmi nous, jurés, députés, sénateurs ou ministres. Je ne crois pas, en tout cas, que l’argument sur lequel se fondent, pour exiger tout cela, quelques-unes d’entre elles, à savoir qu’elles payent l’impôt, soit un argument sans réplique. On paye l’impôt, entre autres choses, pour être protégé dans ses biens et dans sa personne, pour avoir à sa disposition des routes et des rues praticables et éclairées, pour pouvoir rester chez soi sans y être assiégé, et en sortir sans être égorgé ou insulté. Cette protection et ces services sont nécessaires aux femmes tout comme aux hommes.
Mais il y a d’autres raisons pour lesquelles les femmes sont fondées à se plaindre ; il y a d’autres droits, d’ordre civil, dont les femmes ne jouissent pas suffisamment et dont la privation n’est pas justifiée. Napoléon disait : « Il y a une chose qui n’est pas française, c’est qu’une femme puisse faire ce qui lui plaît. » Le dédain qui a inspiré cette parole semble avoir présidé à la rédaction du Code ; et en cela il est indéfendable. On ne saurait justifier les exclusions et les inégalités dont il frappe la femme : exclusion de la tutelle et des conseils de famille, interdiction de la qualité de témoin dans les actes et déclarations de diverse nature, subordination excessive à l’égard du mari, etc.
On ne saurait défendre par de bonnes raisons, les différences contradictoires de protection et de sévérité entre elle et l’homme quant à sa moralité et à ses devoirs : la séduction non punie, la recherche de la paternité interdite, l’adultère inégalement traité selon qu’il est le fait de l’un ou de l’autre des époux, le meurtre même, quand il est commis en présence d’un outrage à la foi conjugale, excusable pour l’un et sans excuse pour l’autre.L’opinion trop souvent, bien qu’elle soit en voie de s’amender, est d’accord avec la loi, et trop souvent aussi les habitudes et les règlements eux-mêmes ferment aux femmes, tantôt absolument, tantôt en partie, l’entrée des carrières dans lesquelles elles pourraient trouver l’emploi de leurs facultés. C’était, hier encore, et c’est trop aujourd’hui même, le cas pour cette carrière médicale, dont une moitié au moins, le soin des femmes et des enfants, semble par la nature même réservée aux femmes. De ce fait elles sont rejetées vers un nombre restreint de professions où il y a encombrement, et par suite avilissement de la rétribution. Tout se tient, d’ailleurs ; et faire à la femme, au point de vue légal et au point de vue moral, une situation inférieure, c’est lui en faire une moindre au point de vue économique.
Notre collègue M. Foucher de Careil contait un jour comment, se rendant à San Francisco, il voyait devant lui, tenant son petit bagage dans son sac de nuit et marchant d’un pied ferme vers le pays des mineurs, où elle allait porter l’instruction aux enfants de cette rude population, une jeune fille de seize ans. « La chère enfant, disait-il, avec ses pieds aussi blancs que la neige des montagnes voisines, m’apparaissait comme la personnification des deux grandes vertus qui font la force des Américains du Nord, le respect de l’instruction et le respect de la femme. » Otez de ce passage la poésie qui le colore, il reste une chose vraie et une chose capitale : le caractère sacré de la femme, placée, en quelque sorte, par le consentement unanime de l’opinion, sous la sauvegarde de la foi commune. Une Américaine éminente, mistress Ward Howe, que nous avons eu le plaisir de voir et d’entendre à Paris, exprimait la même pensée en disant que ses compatriotes peuvent se montrer sans crainte à l’œil du jour. Personne n’osera les effleurer d’une parole ni d’un regard déshonnête. Et tout récemment, mon fils aîné, qui a visité une partie des États-Unis, qui y a eu même, dans les Montagnes-Rocheuses, d’assez rudes aventures, faisait la même constatation.
Dans le rapport dont il achève en ce moment la rédaction sur l’instruction primaire aux États-Unis, et dans lequel il traite avec beaucoup de soin des écoles mixtes et de l’éducation en commun des deux sexes, il insiste sur cette absolue sécurité dont jouissent les femmes à toute heure et en tout lieu, jusque dans les villes les moins irréprochables au point de vue des mœurs. Ce n’est pas, dit-il, qu’il ne se rencontre des gens qui seraient tentés d’abuser de cette liberté d’allures, mais ils savent qu’à la première inconvenance il se trouverait quelqu’un pour leur mettre la main au collet ou leur casser la tête d’un coup de revolver, et que tout le monde applaudirait.
Confessons que nous sommes loin de ces meurs, et regrettons-le. Car le plus vrai des caractères de la civilisation, c’est le respect de la femme. Il appartient aux économistes de le dire, comme il leur appartient de constater que le pire des gouffres dans lesquels s’engloutissent et la richesse produite et les facultés qui la produisent, c’est celui qu’ouvrent à l’envi le caprice des femmes et le mépris des femmes.
M. Jules Simon est, en somme, du même avis que M. Fréd. Passy. Il ne peut que répéter, comme son collègue, que la véritable place de la femme est au foyer domestique ; il lui semble inutile de le démontrer. Il est donc pour la famille contre l’atelier ou le travail extérieur, en principe, mais non pas comme certains des membres de la réunion, qui proposeraient de refuser aux femmes certains emplois ; lui ne veut rien leur refuser ni leur interdire ; il veut seulement qu’on les conduise à la vie de famille en les y incitant par l’éducation et en les préparant par l’instruction.
Depuis un quart de siècle, dit-il, la désertion de la maison par les femmes s’est accrue parce que les campagnes se sont dépeuplées au profit des villes, et que l’éducation n’a pas préparé la jeune fille à se rendre utile en restant dans la maison. Il cite des filles qui ne savent ni enfiler une aiguille ni allumer du feu. Il fait remarquer combien serait profitable, notamment dans une ferme, l’habileté de la femme à tenir la comptabilité.
M. Jules Simon ajoute qu’on s’occupe à présent de faire sortir les bourgeoises de la maison. Celles-là ne seront pas ouvrières: elles seront employées, ou elles auront des professions libérales. À ce propos, il approuve beaucoup, certainement, l’idée de leur donner une bonne instruction secondaire, mais celle qu’on leur donne, dit-il, copiée sur celle des garçons, est ridicule et pernicieuse. D’abord celle des garçons n’a pas le sens commun ; mais elle l’a encore bien moins, quand on surcharge des filles, qu’on les empêche de prendre de l’exercice, qu’on les tient constamment le nez dans les livres, pour se bourrer de science toute faite sans prendre le temps de penser et de réfléchir. Et quelle science ? l’algèbre, la géométrie, la chimie, la physique, des curiosités historiques bonnes pour les savants. On en fait des licenciés, des doctoresses ; des déclassées. Nous en avions assez de l’autre sexe. D’affreux petits hommes, sans la grâce des femmes, ni la force des hommes ; des précieuses ridicules. Il vaudrait mieux leur apprendre à faire la cuisine, à soigner les enfants en les menant dans une crèche, à tenir le linge en ordre, etc., que de belles connaissances historiques et littéraires.
Avouez, dit en terminant M. Jules Simon, que la nature est moins bête que nous ; elle avait fait des hommes et des femmes, nous en faisons des bacheliers et des bachelières. Toute ma consolation, c’est de ne pas être exposé à épouser une agrégée.
M. Paul Leroy-Beaulieu revient à la question proposée, qu’on avait, dit-il, un peu perdue de vue. Il convient, lui aussi, que la femme serait mieux chez elle qu’à l’atelier.Elle y restait autrefois — il y a bien longtemps —, et encore elle n’y restait pas toujours ; la Bible et l’Iliade nous montrent Rebecca et Nausicaa allant travailler dehors ; il est vrai que ce n’était pas dans des fabriques. Mais les femmes qui travaillaient à la maison, ce n’était pas seulement la mère de famille : c’étaient aussi « ses femmes », et ses femmes, c’étaient des esclaves. Maintenant, les conditions économiques sont tout à fait changées : on ne file plus, on ne tisse plus à la maison. Ces travaux et bien d’autres se font à l’aide de puissantes machines, dans de vastes établissements ; ainsi l’a voulu le progrès. Un jour peut-être, d’autres progrès permettront aux ouvrières de demeurer davantage au logis ; cela est désirable ; mais pour le moment ; et pour longtemps encore, à ce qu’il semble, la tendance est à lagrande industrie. Il faut bien se résigner à ce que les femmes qui ont besoin de travailler, de gagner un salaire soit un salaire soit pour elles-mêmes, soit pour leurs parents’ ou pour leurs enfants, aillent travailler dans des ateliers. Est-ce, après tout, un si grand mal etn’ya-t-il pas quelque exagération à dire que le désordre et la misère entrent au logis quand la femme en est absente ; que ce que gagne celle-ci ne compense pas ce qu’elle fait perdre ?
Ce fait n’est pas aussi général qu’on pourrait le croire, du moins, et quand l’ouvrière rapporte à la maison 2 fr. 50 ou 3 francs par jour, cela n’est pas à dédaigner. Il ne faut pas non plus s’exagérer l’importance des soins du ménage et le temps qu’ils exigent ; beaucoup de femmes trouvent le temps, en rentrant de l’atelier, de préparer les repas, de raccommoder, de faire la lessive.Puis, bien souvent aussi, quand la femme s’en va travailler dehors, il reste à la maison une vieille mère qui s’occupe de ces soins. On a parlé de la campagne. Eh bien ! à la campagne aussi les femmes, les enfants même sont obligés de travailler dehors, durement, pendant une partie de l’année : les femmes, les jeunes filles travaillent à la terre ; les enfants gardent les bestiaux. La fatigue est grande, le profit souvent assez mince et péniblement acquis ; lorsqu’une fabrique vient s’établir dans un pays, cela est considéré, et non à tort, comme un grand bienfait. D’ailleurs, en attendant qu’on ait trouvé le moyen de donner aux femmes de la besogne qu’elles puissent faire chez elles — comme cela a lieu déjà grâce aux machines à coudre —on peut concilier le travail à l’atelier avec les soins du ménage, en abrégeant la journée du samedi, ainsi que cela se pratique en Angleterre.
Passant à une autre face de la question, M. Leroy-Beaulieu remarque que de tous côtés on demande des occupations pour les femmes ; de nombreuses carrières leur sont ouvertes : le commerce, l’enseignement public et privé, les postes et télégraphes ; on emploie aussi les femmes dans les grands établissements financiers : au Crédit foncier, par exemple. On trouve que cela ne suffit pas encore ; et en même temps, on voudrait qu’elles ne quittassent point le logis, la famille ! N’y a-t-il pas là quelque contradiction?
Enfin, M. Leroy-Beaulieu répond par quelques arguments qui semblent assez topiques à ce que M. F. Passy a dit en faveur de l’égalité des salaires de l’homme et de la femme. M. Passy voudrait qu’on payât le travail pour ce qu’il vaut sans acception de personnes. Mais la valeur du travail dépend de celui ou de celle qui le fait, et le taux des salaires se détermine sous la loi de l’offre et de la demande. Or, d’une part, le travail féminin est plus offert que le travail masculin ; d’autre part, il n’a pas d’ordinaire la même valeur intrinsèque, et il est très rare qu’une femme fasse le même travail qu’un homme ou le fasse aussi bien.On paye donc, toutes choses égales d’ailleurs, une ouvrière moins cher qu’un ouvrier, par la même raison qu’on paye une bonne moins cher qu’un valet de chambre.
En résumé, M. Leroy-Beaulieu croit qu’il faut accepter, tout en s’efforçant de les adoucir, de les améliorer, les conditions faites au travail des femmes par l’état actuel de la grande industrie, et il espère qu’un jour viendra où, par suite d’une évolution nouvelle, le travail à domicile pourra remplacer graduellement le travail à l’atelier.
M. Jules Simon rappelle que lui-même a admis, tout à l’heure, la grande difficulté, l’impossibilité même de réaliser l’idéal désiré ; dans l’état actuel des choses, qui pourrait empêcher que la femme n’allât pas, forcément, dans les ateliers, pour gagner le pain de chaque jour ?
M. Frédéric Passy, sans rentrer dans la discussion, fait remarquer que la préoccupation si justement exprimée par M. Leroy-Beaulieu n’est pas nouvelle et qu’il a déjà été fait, pour y satisfaire, des tentatives qui, grâce aux progrès de la science et de la mécanique, paraissent devoir se multiplier et se généraliser. Il y a longtemps que l’excellent M. Jean Dollfus, à qui l’on doit tant, a imaginé d’envoyer dans quelques-unes de ses demeures ouvrières, au moyen de transmissions, des fractions de force motrice, afin que les femmes, tout en restant à leur ménage, pussent avoir un métier sous la main. Dans un certain nombre d’endroits cela se fait, et M. Passy cite des lieux et des industries où on loue, sur une chute ou sur une machine, un cheval, un demi-cheval, un quart de cheval de force, selon les besoins. Ce qui se fait avec l’eau et la vapeur est plus aisé mème à faire avec les moteurs à gaz, et pour ma part, dit M. Passy, il y a bien une vingtaine d’années que j’ai signalé, dans le premier de ces moteurs, le moteur Lenoir, un pas vers la conciliation de ces deux choses jusqu’alors considérées comme irrémédiables : l’emploi des procédés mécaniques et le travail individuel. À plus forte raison l’électricité, avec les merveilles qu’elle révèle chaque jour, ou plus exactement la science nouvelle de l’équivalence des forces et du transport de l’énergie, ouvre-t-elle devant l’économiste, comme devant le physicien, une carrière en quelque sorte indéfinie. Il n’est pas possible que les progrès de la science ne puissent être tournés au profit de la liberté et de la dignité humaine : car ce sont des agents d’émancipation et de bien-être. Mais c’est à la condition que nous sachions nous en servir et qu’àl’accroissement de toute puissance matérielle corresponde un accroissement au moins égal de puissance morale. Plus le coursier est vigoureux et ardent, plus le cavalier doit être habile et maître de lui. Et voilà pourquoi la science économique, quoi qu’on en puisse dire, est une science morale. C’est toujours à améliorer l’homme, et la femme qui est la moitié de l’homme, qu’il en faut revenir.
M. Cheysson s’excuse de prendre la parole après les orateurs considérables qui viennent de traiter avec tant d’éclat la question mise à l’ordre du jour. Comme il partage absolument leur conviction sur l’excellence du travail de la femme au foyer, il se serait abstenu d’intervenir dans la discussion pour redire moins bien ce qu’ils ont admirablement dit, s’il n’avait pas à présenter des conclusions moins négatives et moins découragées en ce qui concerne la réalisation pratique de ce desideratum.
M. Paul Leroy-Beaulieu, il est vrai, a ouvert la perspective du petit moteur domestique et répéterait volontiers, avec M. Gladstone, que « le plus grand bienfaiteur de l’humanité serait l’inventeur d’une machine retenant la femme au foyer ».[1]
M. Cheysson croit à cette découverte et cite les tentatives faites dans ce sens pour utiliser l’air comprimé ou raréfié, l’eau et le gaz canalisés dans les villes, les forces naturelles transportées à distance soit par les câbles télodynamiques, soit surtout par le fil électrique [2]. La mécanique nous doit cette conquête, et guérira ainsi les blessures qu’elle a faites à la petite industrie, tant il est vrai que la plupart des questions sociales subissent profondément le contre-coup des progrès scientifiques.
En attendant l’heure de cette transformation, la petite industrie garde, même de nos jours, une importance qu’en général on ne soupçonne guère. Dans l’agriculture, elle gagne du terrain dans l’industrie manufacturière, elle résiste avec succès pour tous les articles de goût et de luxe. À Paris, d’après les enquêtes de la Chambre de commerce, le nombre des ouvriers chefs de métier travaillant à domicile était de 62 000 en 1860 et de 100 000 en 1872. Le recensement de 1881 donne à la petite industrie un personnel d’ouvriers et de patrons sensiblement double de celui de la grande industrie (3 millions, dont 1 million de femmes, contre 1 million et demi).
La petite industrie n’a donc pas perdu encore la partie, et pourrai même attendre, avec une sécurité relative, le secours décisif du petit moteur, si l’opinion publique se mettait à comprendre, comme ailleurs, l’importance sociale de l’atelier domestique.
En Suède, le tissage à bras, dans la campagne, est encouragé parles propriétaires de filaturesmécaniques. Dès 1767, la « Société royale patriotique » a été instituée à Stockholm pour défendre et multiplier les travaux qui pouvaient être réservésà l’activité salutaire de la famille. Depuis lors, son champ d’action s’est singulièrement agrandi, grâce au concours des administrations provinciales et des sociétés de bien public répandues dans tout le pays [3]. En Italie, il s’est fondé, sous le patronage de la reine Marguerite, une grande société pour restaurer l’industrie du point de Venise [4]. Cette même industrie des dentelles a été introduite du Creusot par Mme Schneider ; celle du tressage des paniers vient de l’être dans une commune de Normandie. On trouverait bon nombre d’applications analogues, et l’on retarderait la décadence de la petite industrie, si l’on voulait employer les moyens qui ont réussi ailleurs, à savoir : la propagande par la presse et la parole ; — un enseignement théorique et pratique convenablement approprié, qui ouvrirait aux femmes mille débouchés aujourd’hui inaccessibles à leur ignorance professionnelle : — des expositions spéciales avec primes et récompenses.
Voilà pour l’ouvrière de la petite industrie, qui reste épouse et mèreà son foyer. Quant à celle de la manufacture, n’y a-t-il rien à faire pour elle ? M. Cheysson pense au contraire qu’il existe un ensemble très large de mesures à demander en sa faveur, tant aux mœurs qu’à la loi.
La loi ne doit pas interdire le travail de la femme, mais elle peut et doit en prévenir les abus. Beaucoup a été déjà fait dans ce sens : beaucoup reste encore à faire. En Belgique, d’après undécret de 1813, les filles étaient admises dans les travaux souterrains des mines à partir de l’âge de 10 ans. Un arrêté du 22 mai 1884 vient de relever cette limite à 14 ans. En France, la loi du 19 mai 1874, qui est venue interdire absolument le travail des filles et femmes de tout age au fond des mines, n’a fait que consacrerl’honorable initiative spontanément prise par les exploitants deshouillères. En Suisse et en Allemagne, des lois des 23 mars 1877 et 17 juillet 1878 obligent les ouvrièresenceintes à suspendre le travail pendant un certain délai avant et après leurs couches. Des projets, qui ontété votés par la Chambre des députés en France, mais n’ont pas trouvé grâce devant le Sénat, limitaient la durée du travail des femmes à onze heures par jour et à six jours par semaine, comme celui des mineurs de 18 ans, et, à l’exemple de l’Angleterre, interdisaient aux femmes, dans certains établissements, le travail de nuit. Notre loi du 19 mai 1874 prescrit aux patrons de « veiller au maintien des bonnes mœurs et à l’observation de la décence publique dans leurs ateliers » (art.15). Cette recommandation générale pourrait être appuyée par des mesures de police sur la séparation des sexes, sur les heures et les portes de sortie, etc. Enfin, la loi devrait, par la réforme de l’article 340 du Code civil et par l’introduction du délit de séduction dans le Code pénal, protéger efficacement ouvrière contre d’odieux abus d’autorité, qui sont, au sein des ateliers, des éléments actifs de démoralisation et de haine.
Àcôté des devoirs de la loi, l’État, en tant que patron, a les siens. Il emploie beaucoup de femmes dans ses manufactures, et doit donner l’exemple pour le recrutement, la surveillance et le patronage, peut-être aussi pour la fixation du salaire, en s’inspirant des conseils de M. Frédéric Passy. Mais M. Cheysson irait plus loin et voudrait, qu’à l’exemple de ce qui se passe au Creusot, l’État s’imposât comme règle générale, et sauf exception motivée, de n’admettre que des filles ou des veuves, à moins qu’il ne parvienne à organiser ses ateliers de manière à rendre leurs exigences conciliables avec la pratique des devoirs domestiques incombant à la femme mariée et à la mère de famille.
Comme l’État, tous les patrons qui emploient des femmes ont aussi leur rôle à jouer dans cette question. Il en est, comme le vénérable M. Goldenberg de Zornhoff, qui renoncent au bénéfice du travail féminin, pour ne pas désorganiser les familles de leurs ouvriers [5]. Mais si l’on ne peut demander à tous un pareil sacrifice — qui n’est pas sans compensations même matérielles, comme il serait facile de le démontrer — on peut du moins exiger de tous qu’ils assurent la décence et la moralité de leurs ateliers ; on peut aussi leur conseiller d’imiter les mesures si libérales prises à Mulhouse par M. Dollsus, pour les femmes en couches, et qui ont sauvé la vie à tant de pauvres enfants, de régler la discipline et la marche du travail, en vue de laisser quelque répit à la ménagère ; de préférer, autant que possible, les filles et les veuves aux femmes mariées ; de donner, autour des manufactures rurales, de petits champs ou jardins où la famille puisse récolter des légumes, élever un porc, des lapins et de la volaille, etc. Ces formes de patronage sont infiniment variées, et entre elles le patron n’a que l’embarras du choix
En résumé, d’après M. Cheysson, la petite industrie n’est pas morte, tant s’en faut, et sera sans doute galvanisée par l’invention du petit moteur domestique. Mais, même dans la grande industrie, les inconvénients du travail de l’ouvrière peuvent être notablement atténués par l’action combinée des mœurs et de la loi.
M. E. Fournier de Flaix admet bien que, sans doute, la vie de l’atelier a pour la femme de graves inconvénients ; néanmoins l’atelier étant une des formes inévitables du travail dans les sociétés contemporaines, il n’est pas possible que la femme n’entre pas dans l’atelier et cela n’est pas désirable. Dans la production agricole comme dans la production industrielle la condition de la femme s’est, depuis cinquante ans, sensiblement améliorée. La femme a trouvé, dans l’atelier agricole, un salaire qui a doublé. L’orateur a constaté lui-même, dans un domaine qu’il possédait dans le sud-ouest, cette progression du salaire de la femme. Il a vu également les conditions du travail se prêter partout aux nécessités spéciales à la mère de famille et à la femme du cultivateur. Elle n’arrivait que plus tard dans les champs et elle s’en retirait plus tôt que son mari, son père et sa fille.
Dans la production industrielle, M. Fournier de Flaix a constaté de 1856 à 1880, à Rouen, dans la fabrique de la Foudre et à Lille dans une des plus grandes filatures, le même progrès. Le salaire était double et cependant la situation faite à la femme dans l’atelier s’était améliorée. Il a notamment vu, dans un atelier de gazeuses, un grand nombre de femmes en très bonne santé, très alertes et satisfaites de leur condition. Il en est de même partout. Déjà même il s’installe des ateliers de femmes seules et plusieurs de ces ateliers ne laissent rien à désirer sous aucun rapport. Il y a mieux : le travail, dans le plus grand nombre des ateliers, peut se prêter aux autres devoirs que la femme doit remplir ; son travail peut être réglé de manière à ce qu’elle pourvoie aux besoins de sa famille et de son ménage.
D’autre part, il ne faut pas exagérer l’idylle de la chaumière. M. Fournier de Flaix a vu de bien tristes chaumières et les chaumières réelles dans lesquelles existe une promiscuité si redoutable sont loin d’offrir les mêmes garanties que nos ateliers.
En réalité le travail est une des formes comme une des conditions de l’émancipation de la femme. Par un salaire de plus en plus élevé, la femme acquiert une indépendance de plus en plus grande et nécessaire vis-à-vis de son mari, de son père, de ses frères ; en même temps elle concourt à l’œuvre de la production ; ce concours, la production ne saurait s’en passer désormais, c’est ce qu’a établi en termes excellents le président de la Chambre syndicale des imprimeurs de Paris dans sa déposition devant la Commission d’enquête faite par la Chambre des députés.
Cette émancipation correspond à l’une des directions de la civilisation. La femme est astreinte comme l’homme au travail et à la maternité, et les devoirs de l’épouse ne l’en sauraient dispenser ; mais aussi ce travail assure de plus en plus son indépendance. L’atelier et le salaire constatent cette indépendance, cet affranchissement. Loin d’être contraires à la vie de famille, ils viennent à son aide, car le travail est de plus en plus apprécié et de plus en plus rémunéré. Il ne faut pas se tromper, se faire d’illusion sur le but de la femme dans la famille. L’histoire et les voyageurs contemporains ne nous font qu’un trop triste tableau de la condition de la femme pour ne pas reconnaître tout ce que l’atelier et le salaire ont fait pour améliorer sa condition.
M. Léon Say, en prononçant la clôture du débat, prévoit que l’étude de la question qui vient d’être discutée amènera sans doute la discussion d’une autre question qui se rattache à celle-là : la comparaison des effets et des résultats de l’industrie familiale et de la grande industrie. La séance est levée à onze heures et demie.
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[1] De la situation des classes ouvrières en Angleterre, par M. le comte de Paris, p. 224.
[2] Une exposition de petits moteurs aura lieu à Vienne (Autriche) du 24 juillet au 12 octobre de cette année.
[3] Voir, sur les moyens d’action de cette société, les Ouvriers européens, par F. Le Play, t. III, p. 43.
[4] Cette société a pleinement réussi, spécialement le long des digues qui bordent les lagunes, à Malamocco, Chioggia et Palestrina, où des millers d’ouvriers fabriquent à la main ces dentelles, dont se parent à l’envi les belles dames italiennes.
[5] Rapport sur le nouvel ordre de récompenses à l’Exposition de 1867, p. 57.
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