Préface de L’éducation gratuite et obligatoire de Murray Rothbard

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Depuis le temps que les Français se plaignent du désastre qu’est devenu l’Éducation nationale, les maux sont connus : niveau général en berne et perte régulière de places dans les classements internationaux ; inégalités croissantes entre les enfants de milieux socioprofessionnels différents, malgré un égalitarisme forcené ; désespérance des enseignants, démotivés, qu’on peine à recruter ; craintes vives des parents, qui abandonnent leurs enfants dans des établissements où sévit la délinquance juvénile. Tous les ans les lois changent, et rien ne change.

Dans ce petit livre, vous apprendrez pourquoi l’éducation nationale, toute éducation nationale, est vouée au désastre. Vous verrez que si l’on enseigne les arts plastiques ou la flute à des collégiens qui savent à peine manier le langage soutenu sans fautes, il y a une raison, et que si on en vient à supprimer les notes ou à leur retirer toute importance dans l’éducation, il y a également une raison.

L’auteur, le philosophe et économiste américain Murray Rothbard (1926-1995) vous expliquera pourquoi défendre l’éducation nationale, c’est heurter la réalité, c’est entreprendre le projet fou de la courber sous le poids de tel ou tel idéal. Car la réalité, c’est que les enfants naissent inégaux en taille, en poids, en aptitudes, en goûts, en tempérament. Ce serait nier la nature inégalitaire des hommes, ou méconnaître le fonctionnement d’une école, que de prétendre qu’il est possible à un professeur, enseignant une même matière, au même rythme, et avec la même méthode, de satisfaire les besoins éducatifs d’une classe entière de vingt, vingt-cinq ou trente élèves tous différents — à ce stade, le nombre importe peu. La nature, qui a voulu la diversité individuelle, proteste contre cette uniformité forcée.

Chaque enfant est unique et doit recevoir un type d’éducation qui lui soit adapté. Il n’y a pas de honte à reconnaître que tel enfant ne démontre aucune disposition dans tel domaine du savoir ou qu’il lui faut sensiblement plus de temps pour parvenir à maîtriser tel enseignement, ou encore que seule telle méthode originale de lui présenter tel savoir le rend à même de le comprendre, et à prendre des dispositions en accord avec ces faits.

Le rythme, la méthode, le contenu : tels sont quelques-uns des paramètres que tout système d’éducation doit fixer. Les débats inlassables sur les rythmes scolaires, sur les méthodes pédagogiques pour l’apprentissage de l’écriture ou de la lecture, ou sur l’utilité de l’histoire, de la philosophie, ou de quelque autre matière, sont futiles quand on reconnaît qu’aucune disposition ne conviendra à tous les enfants et que le problème est plus profond.

Aujourd’hui, l’éducation est la même pour tous, quant au contenu, aux méthodes et au rythme. Les élèves brillants, qui s’ennuient face au niveau moyen, ne parviennent pas à développer leurs capacités au niveau qu’on pourrait espérer d’eux, et la facilité avec laquelle ils accomplissent les tâches qu’on leur demande développe en eux la paresse et le désabusement. Les élèves les moins avancés, en revanche, ou ne parviennent pas à intégrer un quelconque enseignement, malgré la faiblesse du niveau fixé, ou ressentent de l’aigreur et du chagrin à la vue des facilités des élèves brillants et au temps qu’ils font perdre à la classe par les limites de leur intellect.

L’idée selon laquelle l’État a un devoir moral d’éduquer les enfants doit aussi être rejetée résolument. Pour des intelligences non préparées, le déversement d’un savoir aseptisé, certifié et contrôlé par des fonctionnaires de l’État est un danger auquel on a prêté encore trop peu d’attention. Si la liberté de la presse a autant de valeur, c’est qu’elle protège les esprits d’un monopole sur les idées, c’est qu’elle prévient le danger des tyrannies. Or c’est là toute l’ambition, grotesque ou dangereuse, d’une éducation nationale : modeler la jeunesse et lui inculquer l’obéissance envers l’Etat et la supériorité naturelle du groupe sur l’individu.

L’existence, en France, d’écoles privées, n’est bien entendu qu’un leurre, les pouvoirs publics s’étant très tôt assurés une mainmise totale sur ces établissements, à travers le recrutement et la formation des enseignants, la rédaction des programmes scolaires, et l’instauration de diplômes nationaux.

La véritable solution, soutient Murray Rothbard dans ce livre, est l’instauration d’un marché de l’éducation où écoles privées et éducation à la maison (homeschooling) par les parents ou par un tuteur pourraient enfin se développer.

De toutes les solutions possibles, l’éducation d’un enfant par ses parents ou par un tuteur sélectionné par eux apparaît en effet comme la plus propre à développer ses capacités intellectuelles. Dans la réalité, elle s’avère parfois impossible, pour des raisons économiques ou pratiques. La solution globale est donc, outre l’autorisation du homeschooling, d’instaurer d’urgence un libre marché de l’éducation, où des écoles véritablement privées se spécialiseraient et entreraient en concurrence pour éduquer certaines tel type d’enfant, certaines tel autre type. Cela permettrait à chaque parent de trouver pour son enfant une école adaptée à ses dispositions et à ses goûts, comme il trouve « chaussure à son pied » dans tous les domaines encore laissés au système de la libre entreprise.

Benoît Malbranque

Institut Coppet

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