Murray Rothbard – L’éducation gratuite et obligatoire (2/12)

coverRothbardEducationFin 2015, l’Institut Coppet a dirigé la première traduction française de Education: free and compulsory par Murray Rothbard. Elle a été réalisée conjointement par Nathanael Lavaly, Claude Balança et Marius-Joseph Marchetti. Ce petit livre apporte une critique vigoureuse de l’éducation nationalisée telle qu’on la connaît de nos jours, l’accusant d’être inefficace, injuste et tyrannique. Rothbard y défend la liberté de l’éducation, l’instauration d’un marché de l’éducation où écoles privées et éducation à la maison (homeschooling) pourraient enfin se développer. Le livre est sorti en format papier en mars aux éditions de l’Institut Coppet. Fidèle à notre projet de diffuser les idées, nous accompagnerons la version papier d’une version électronique gratuite (pdf, epub, mobi, doc et html)

Nous diffuserons aussi ce petit livre sur notre site, en 12 courtes parties. Dans la deuxième, intitulée « l’instruction formelle », Murray Rothbard s’interroge sur les raisons pour lesquelles un enfant aurait besoin d’une instruction formelle en plus de l’apprentissage qu’il fait par l’usage de ses sens et ses relations sociales.


Table des matières du livre :

  1. L’éducation de l’individu
  2. L’instruction formelle
  3. La diversité humaine et l’instruction individuelle
  4. Le parent ou l’État ?
  5. Les fréquentations de l’enfant
  6. Éducation obligatoire vs. éducation libre
  7. La scolarisation obligatoire en Europe
  8. Le Fascisme, le Nazisme et le Communisme
  9. L’enseignement obligatoire aux États-Unis
  10. Arguments pour et contre l’école obligatoire aux États-Unis
  11. Les objectifs de l’enseignement public : Le Mouvement éducationniste
  12. L’Instruction progressiste et la situation actuelle

 

 

L’instruction formelle

(Murray Rothbard, L’éducation gratuite et obligatoire)

 

     Si tout le monde est constamment en processus d’apprentissage, et si la vie de chaque enfant fait partie de son éducation, pourquoi avons-nous besoin d’une éducation formelle ? La nécessité d’un enseignement formel découle du fait que les facultés de l’enfant sont sous-développées et seulement potentielles : elles ont besoin d’expérience afin de se développer. Pour que cet exercice soit possible, l’enfant a besoin de matériaux environnementaux sur lesquels il puisse manœuvrer et avec lesquels il puisse travailler. Cependant, il est clair que pour une grande partie de son enseignement général, il n’a pas besoin d’instruction systématique ou formelle. Ses capacités physiques ne manquent presque jamais d’espace pour se développer et s’entraîner.

     C’est pourquoi aucune instruction formelle n’est nécessaire. Si la nourriture et un abri lui sont fournis, l’enfant va grandir physiquement sans avoir besoin de beaucoup d’instruction. Ses relations avec autrui — les membres de sa famille et les étrangers — vont se développer spontanément tout au long de sa vie. Dans le but de répondre à ces problématiques, l’enfant exercera spontanément ses facultés sur les matériaux abondants dans le monde qui l’entoure. Les préceptes qui lui sont nécessaires peuvent être obtenus assez simplement, sans besoin d’une étude systématique.

     Mais il est un domaine de l’éducation où la spontanéité directe, jointe à quelques préceptes, ne peut pas suffire : c’est le domaine des études formelles, et en particulier le domaine de la connaissance intellectuelle. Cette connaissance, qui réside au-delà du périmètre de sa vie quotidienne, implique un exercice supérieur des capacités de raisonnement. Elle doit être conférée par l’utilisation de l’observation et le raisonnement déductif, et maîtriser un tel appareil de réflexion prend beaucoup de temps. En outre, cela doit être enseigné méthodiquement, parce qu’un raisonnement se construit par étapes logiquement ordonnées, qui transforment l’observation en un ensemble cohérent de connaissances.

     L’enfant, manquant de facultés pleinement développées pour l’observation et le raisonnement, n’apprendra jamais ces sujets tout seul, comme il peut le faire pour d’autres. Il ne peut pas les observer et en déduire des conclusions sans aide, par ses propres facultés mentales. Il peut apprendre ces sujets grâce aux explications orales d’un instructeur, grâce à la lecture de livres, ou par le biais des deux méthodes. L’avantage du livre est qu’il peut énoncer le sujet pleinement et méthodiquement ; l’avantage de l’enseignant est que, en plus de connaître préalablement le livre, il connaît l’enfant et se charge directement de lui : il peut lui expliquer les points importants ou imprécis. De manière générale, on a pu constater que l’alliance des livres et de l’enseignant est la meilleure technique pour tout enseignement formel.

     L’instruction formelle traite donc de l’ensemble des connaissances sur certains sujets précis. Ces sujets sont les suivants : tout d’abord, la lecture, de sorte que l’enfant dispose d’un remarquable outil pour l’acquisition prochaine de connaissances, et avec pour corollaire les différents « arts du langage », tels que l’orthographe et la grammaire. L’écriture est une autre puissante clé dans le développement mental de l’enfant. Une fois que ces outils ont été maîtrisés, l’instruction se déroule naturellement suivant un développement logique : la lecture sert à aborder des sujets tels que les lois naturelles de la planète (sciences naturelles) ; l’histoire de l’évolution de l’homme, de ses buts et de ses actions (histoire, géographie) ; et plus tard les « sciences morales » du comportement humain (l’économie, la politique, la philosophie, la psychologie), et l’étude des créations inventives de l’homme (la littérature). L’essai et la composition constituent les ramifications de l’écriture. Un troisième outil élémentaire doté d’une grande puissance est l’arithmétique, qui commence par de simples chiffres et qui mène aux branches les plus développées des mathématiques. Parmi ces sujets fondamentaux, la lecture est de la première importance, et c’est pour cela que l’apprentissage de l’alphabet est le premier et le plus important des outils à acquérir.

     Il est devenu à la mode de tourner en dérision l’accent mis sur les « trois R »[1] , mais il est évident que ceux-ci sont d’une importance considérable, et plus tôt ils seront convenablement acquis, plus tôt l’enfant sera en mesure de faire sien le vaste domaine de connaissance que constitue le grand héritage de la civilisation humaine. Ces « trois R » sont les clés qui permettent d’ouvrir les portes de la connaissance humaine, ainsi que les portes de l’épanouissement et du développement des facultés mentales de l’enfant. Il est également clair que ce n’est que dans les sujets techniques que l’enseignement formel peut être d’une quelconque nécessité ou utilité, puisque ce genre de connaissance doit être présenté méthodiquement. Il est évident que nous n’avons pas besoin d’enseignement formel pour « savoir comment jouer », pour « appartenir à un groupe », pour « sélectionner un dentiste », et pour une multitude de « cours » similaires fournis dans « l’éducation moderne ». Et puisqu’il n’y a pas besoin d’enseignement formel pour le sport ou la spontanéité, il n’y a pas besoin d’apprentissage pour « l’éducation physique » ou pour peindre avec ses doigts. [2]

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[1] Reading, Writing and Arithmetics (Lecture, écriture, et arithmétique). (NdT).

[2] Plus tard dans la vie, les jeunes peuvent bien entendu prendre des cours spécifiques pour l’athlétisme, la peinture ou la musique, mais ce sera très différent, car il s’agira d’approcher ce sujet méthodiquement comme une spécialité.

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