The origins of Power, Prosperity, and Poverty
Auteurs:
Daron Acemoğlu : Economiste turco–américain, Professeur des sciences économiques au Massachusetts Institute of Technology (MIT) Il a reçu la médaille John Bates Clark décernée par l’American Economic Association en 2005.
James Robinson : Economiste américain, Professeur de la gouvernance au Harvard University. Il s’intéresse à l’étude de l’histoire économique en Afrique et l’Amérique latine.
Daron Acemoğlu and James Robinson, Why Nations Fail?, The origins of Power, Prosperity, and Poverty, Edition Crown Publishers, 529 Pages, 2012.
L’ouvrage s’articule sur le système économique mondial et les inégalités entre les nations à travers un projet de recherche étalé sur quinze ans. Les auteurs essayent de répondre à des questions intrinsèques dans la sphère de l’économie politique. Pourquoi y -a-t-il des pays riches et d’autres pauvres ? Comment peut-on assurer le passage de la pauvreté à la prospérité ? Quels sont les leviers actuels du développement ?
Dans ce cadre, l’ouvrage développe une nouvelle théorie dans l’économie politique levant le voile sur les causes des disparates entre les nations en matière de prospérité et de progrès. Partant de ce constat, les institutions politiques et économiques crées par l’Homme sont les puissants moteurs de développement. Dans ce sens, les auteurs recommandent les réformes institutionnelles comme voie d’amélioration qui offre une montée en puissance pour les différentes nations.
L’ouvrage expose un regard critique de l’ensemble des croyances et théories qui relient la pauvreté aux raretés des ressources, contraintes géographiques ou même à la langue. Une lecture croisée des expériences économiques des nations été mise afin de confirmer que la pauvreté est la résultante des décisions des leaders politiques. Les auteurs emboîtent le pas sur le fait que la prospérité est tributaire des choix perspicaces et réfutent « l’effet de Saint Matthieu ». Ce dernier évoqué la première fois par le sociologue américain Robert Merton qui désigne, de manière très générale, les mécanismes par lesquels les plus favorisés tendent à accroître leur avantage sur les autres.
Dans un chapitre intitulé « création de la pauvreté et de la prospérité », les auteurs présentent une grille d’analyse qui classifie les systèmes de gouvernance en deux types. Le premier concerne un système fondé sur des institutions politiques et économiques inclusives. Ce sont des institutions qui reposent sur la participation large des citoyens dans la chose publique, la pluralité politique, la séparation des pouvoirs, l’indépendance judiciaire, la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. Il s’agit des institutions productives donnant essor aux compétences nationales à l’entreprenariat, assurant pleinement les droits de propriété et incitant activement les porteurs de projets. C’est un système centrifuge qui amène à une dispersion des pôles de pouvoir et une forte implication des citoyens dans le processus de prise de décision.
A l’opposé, le second système consiste sur des institutions extractives dont le pouvoir est accaparé par une minorité influente utilisant la terreur et conduisant à la précarité et la marginalisation des autres classes sociales. C’est un système de kleptocratie qui s’articule sur le capitalisme de connivence, détruisant les valeurs de l’équité, l’égalité des chances et la méritocratie et favorisant la corruption et la spéculation. En somme, nous sommes face à des institutions centripètes avec une croissance économique molle entravant la création des emploies et la distribution équilibrée de la richesse.
Dans cette perspective, les auteurs expliquent les différences entre les deux systèmes à travers les cas de la Corée du nord et celle du sud. La première souffre d’une impasse politique flagrante qui freine la dynamique économique, paralyse l’échange commercial et impacte éminemment la paix sociale par une grande injustice géographique et une destruction du mode de la production. A l’encontre, La Corée du sud représente un modèle de développement réussi, par un saut qualitatif fait d’une progression solide du capital humain et de la transformation profonde des points de vulnérabilité à des avantages concurrentiels dans le marché mondial.
Dans un autre registre, l’ouvrage amène les lecteurs dans un voyage historique sous forme d’une rétrospective des différentes époques, partant de la civilisation Maya et l’empire romain tout en arrivant à l’union soviétique et les états unis. En fait, il épluche les systèmes de gouvernance et analyse leurs retombés sur la structure sociale et le développement économique des nations. A ce chapitre, les auteurs mettent le focus sur la révolution industrielle en Europe et le lourd héritage du passé colonialiste occidental sur les pays du sud.
De plus, l’ouvrage s’intéresse aux expériences des nations réalisant un progrès économique soutenu, malgré l’existence des institutions politiques autocratiques. La Chine est un cas éloquent, c’est un pays très avancé dans l’échelle économique avec des taux de croissance en hausse, mais son impact reste faible sur la prospérité surtout avec l’absence de la prévoyance et la justice sociale. A ce propos, le régime du parti unique occupe le devant de la scène politique et économique, commende les institutions publiques et tisse des liens avec des élites contrôlant et utilisant souvent leur pouvoir pour créer des monopoles.
A cet égard, l’ouvrage nous renseigne sur les facteurs déterminants de la prospérité. Il souligne l’expression du « cercle vertueux » dont les institutions inclusives apportent un impact positif et direct sur les citoyens. Par contre, plusieurs pays connaissent un « cercle vicieux » à travers des institutions extractives produisant de la pauvreté et du chômage.
Les auteurs critiquent les solutions présentées par la banque mondiale et le fonds monétaire international. Ce sont des recommandions qui ne prennent pas en considération l’implantation des institutions politiques et économiques fortes, l’implication des citoyens dans la prise de décision et la distribution équilibrée de la richesse. Il ne faut pas faire des projections sur les modèles de développement, chaque pays a ses particularités, ses capacités et ses mécanismes structurels.
Somme toute, avec la naissance d’une nouvelle génération des problématiques économiques, nous avons besoin des travaux scientifiques s’éternisant aux différents volets de l’économie politique. L’ouvrage regroupe entre l’analyse économique profonde et l’étude des cas. Il oriente vers les processus empruntés par les pays qui veulent sortir de la pauvreté. Il met l’accent sur les institutions politiques et économiques inclusives comme source de prospérité en appuyant sur la place éminente de l’équité, la transparence et l’efficacité des objectifs de développement.
Younes BELFELLAH
Chercheur en Economie politique, associé à l’Institut Coppet