Qui connaît encore Frédéric Passy (1822-1912) ? En cette période de tensions à la frontière orientale de l’Europe, il est intéressant de relire cet économiste français, essayiste, universitaire, député et infatigable combattant pour la paix, qui reçut en 1901 le premier prix Nobel de la paix en même temps qu’Henri Dunant, le fondateur de la Croix-Rouge. La Guerre et la Paix est le texte d’une conférence que Frédéric Passy prononça le 21 mai 1867 à l’Ecole de médecine de Paris.
Passy déteste la guerre, « la guerre pour la guerre, qu’on entoure de cette admiration sonore que nous connaissons tous ; car tous, plus ou moins, nous en avons été bercés ». Pour lui, elle est une erreur économique. Il faut « calculer ce que la guerre coûte et ce qu’elle rapporte », écrit-il. Or elle coûte bien plus qu’elle ne rapporte. Elle n’est pas la condition de la puissance, affirme Passy, qui rejette l’idée, tenace, selon laquelle la guerre pourrait avoir un effet de relance sur l’économie.
Dans le débat sur l’héritage napoléonien, le conférencier prend nettement parti, ce qui suscite d’ailleurs un « mouvement » désapprobateur dans l’assistance. « Les grandes guerres de la Révolution et de l’Empire, les discordes civiles ou nationales ont enlevé à l’Europe non pas des centaines de milliers d’hommes, mais des millions, 8 ou 10 millions peut-être », exagère-t-il.
« UNE DIMENSION ESSENTIELLEMENT MORALE »
Passy défend un « patriotisme tranquille ». La « vraie grandeur » ne s’obtient ni en dominant ni en « pressurant le travail des autres ». Passy critique ainsi les guerres coloniales. « On s’étonne de ce que coûtent trop souvent les colonies, et du peu qu’elles produisent. Je le vois bien. A la façon dont on s’y prend, il semble qu’on n’ait d’autre chose en vue que de semer des difficultés et des animosités ; et souvent, en effet, l’on en vient à exterminer, de guerre lasse, les habitants pourgarder le pays. »
Comme le souligne dans la postface Damien Theillier, philosophe et président de l’Institut Coppet, « la science économique revêt pour lui une dimension essentiellement morale ».
Les dépenses militaires mondiales repartent à la hausse en 2014… On ne saurait trop conseiller à l’éditeur d’envoyer ce livre aux dirigeants des grands Etats, en surlignant cette phrase : « Je ne puis croire que l’industrie ait besoin, pour connaître et employer ses forces, de ce terrible stimulant des grands engins de guerre à construire. Il y a, Dieu merci, assez d’autres buts qui sollicitent les efforts de l’industrie ; il y a assez de choses pour lesquelles les hommes ont besoin de leurs ressources, de leur intelligence, et de leurs forces. »
La Guerre et la Paix, de Frédéric Passy. Editions Berg International, 70 pages, 7 euros, en librairie le 18 juin.
A lire et à offrir également, chez le même éditeur :
Un chemin de liberté, par Damien Theillier
Contre l’économie d’État, par Frédéric Bastiat
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