Le 14 juillet n’est pas d’abord la date de la prise de la Bastille mais celle de la Fête de la Fédération et donc de la monarchie constitutionnelle, le 14 juillet 1790. Ce jour-là, le général La Fayette, qui avait obtenu la ratification de la Constitution par Louis XVI, avait invité tous les Français à se rassembler au Champ-de-Mars pour une grande fête nationale appelée Fête de la Fédération. La France s’était dotée d’une constitution anti-absolutiste, elle avait abandonnée l’économie dirigée, elle avait rétabli des impôts équitables et la garantie des libertés individuelles. La Constitution avait instauré un système représentatif. Le pouvoir législatif était confié à une Assemblée permanente. Le gouvernement de la France restait monarchique, la personne du roi était inviolable et son rôle était modérateur. Le roi gardait le pouvoir exécutif avec droit de choisir et de révoquer les ministres ainsi qu’un droit de veto sur toutes les décisions de l’Assemblée.
La Fayette, voulait que cette commémoration du 14 juillet soit une fête de l’unité retrouvée de tous les Français. Ainsi, le 14 juillet n’est pas d’abord la date de la prise de la Bastille mais celle de la Fête de la Fédération et donc de la monarchie constitutionnelle.
En tête du défilé des délégations se trouvait Thomas Paine, l’ami de La Fayette et l’auteur du livre qui a déclenché la révolution des colonies américaines : Le Sens Commun. Madame de Staël écrivit en juillet 1790 :
« Des femmes de premier rang se joignirent à la multitude des travailleurs volontaires qui venaient concourir aux préparatifs de cette fête. En face de la Seine qui borde le Champ-de-Mars, on avait placé des jardins avec une tente pour servir d’abri au roi, à la reine et à toute la cour. On voyait à l’autre extrémité un autel préparé pour la messe que M. de Talleyrand alors évêque d’Autun, célébra dans cette grand circonstance. M. de La Fayette s’approcha de ce même autel pour y jurer fidélité à la Nation, à la Loi et au Roi ; et le serment et l’homme qui le prononçait firent naître un grand sentiment de confiance. Les spectateurs étaient dans l’ivresse ; le Roi et la liberté leur paraissaient alors complètement réunis. »
En ce jour de 14 Juillet 1790, outre la parade de la Garde Nationale commandée par le Marquis de La Fayette, dont les troupes étaient au nombre de 14000 sur le Champ de Mars, étaient présent les membres d’une délégation officielle de la toute jeune Nation américaine, qui y produit son drapeau pour la première fois à l’étranger et l’on y vit donc John Paul Jones, fondateur de la Marine américaine et d’autres délégataires.
Une ou deux Révolutions françaises ?
À ce moment-là, La Fayette considérait que la révolution était terminée. Mais pour qu’un tel système fonctionne, il fallait que les représentants du peuple fussent choisis librement. Or, le roi n’avait plus les moyens de maintenir l’ordre. Ses officiers avaient émigré pour la plupart et ceux qui restaient n’étaient plus payés. Des petits groupes armés faisaient régner la violence un peu partout. La Fayette, commandant en chef de la Garde nationale, chargée du maintien de l’ordre, était débordé. Dans l’anarchie générale, les lois votées à l’Assemblée devenaient inapplicables.
Devant l’Assemblée, La Fayette prononça cette phrase, restée célèbre : « Pour la révolution, il a fallu des désordres, car l’ordre ancien, n’était que servitude, et, dans ce cas, l’insurrection est le plus saint des devoirs ; mais pour la constitution, il faut que l’ordre nouveau s’affermisse, et que les lois soient respectées ».
Prise de panique devant les désordres et les émeutes de rue, l’Assemblée fit voter la constitution civile du clergé. Elle mettait l’Église sous la tutelle de l’État. Louis XVI s’y opposa par son veto comme la Constitution l’y autorisait. Aussitôt, il fut soupçonné de trahison. Jusque-là, il avait joué le jeu, de bonne grâce. Mais là on s’en prenait directement aux dogmes de l’Église. Cette fois la décision de l’Assemblée violait sa conscience et portait atteinte à la liberté religieuse, il ne pouvait le tolérer. La rupture sera définitive. Louis XVI n’aura plus jamais confiance dans l’Assemblée et cherchera de l’aide à l’extérieur, comptant notamment sur une invasion de l’Autriche pour rétablir l’ordre.
Le 20 avril 1792, l’Assemblée législative déclara la guerre à l’Autriche. Le marquis fut appelé au commandement de l’armée française. Pendant ce temps, les sans-culottes prirent le pouvoir à Paris. Danton et Robespierre attaquèrent La Fayette avec violence et réclamèrent sa tête. Le 19 août, il fut convoqué devant le tribunal révolutionnaire. Le 20 août, il prenait le chemin de l’exil et se réfugiait en Belgique. Quelque temps plus tard, il fut arrêté par les Autrichiens, jugé comme un chef militaire ennemi et jeté dans un cachot à Olmütz. Ce fut le début de la fin. La guerre avec l’Autriche précipita la chute de la royauté et, avec elle, l’effondrement de toute légalité.
Selon le héros de l’Indépendance américaine, il y eut deux Révolutions françaises bien distinctes et même contradictoires : la révolution libérale de 1789 et la révolution jacobine de 1793, qui conduisit à la formation de l’État totalitaire. La Fayette fut pour l’une et contre l’autre.
Dans l’avertissement de ses Mémoires, il déclare que son but n’est autre que :
de « montrer une fois de plus quelles ont été […] la conduite des vrais amis de la liberté [et de] signaler leur différence […] d’avec les ennemis avoués de la cause nationale et les désorganisateurs insensés ou coupables, toutes les fois que ceux-ci, usurpant le nom de patriotes, ont dénaturé ou souillé cette cause sainte ». (Lafayette, Mémoires, correspondances et manuscrits, Paris, 1837, tome II).
L’abbé Morellet, un ancien collaborateur de l’Encyclopédie fit ce jugement sur la Révolution française :
« Les philosophes n’ont voulu ni faire tout ce qu’on a fait, ni l’exécuter par tous les moyens qu’on a pris, ni l’achever en aussi peu de temps qu’on y a mis. La philosophie n’a pas conseillé les iniquités et les extravagances qu’on a mêlées à la cause de la liberté… »
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