Interview de Damien Theillier, président de l’Institut Coppet, pour 24hGold, à l’occasion du séminaire animé par Frank Karsten, de l’Institut Ludwig von Mises néerlandais, le 28 juin à Paris (*).
24hGold : Quel problème y a-t-il avec la démocratie ? Pourquoi chercher une alternative à la démocratie?
Damien Theillier : L’un des plus grands mythes au sujet de notre démocratie actuelle est qu’elle serait synonyme de liberté. Or, l’idéal démocratique, c’est avant tout que chacun puisse décider de tout et l’imposer aux autres. L’idée de la liberté, au contraire, c’est que chacun puisse décider pour lui-même, sans rien imposer aux autres.
En réalité la démocratie est une forme de collectivisme : « une seule taille pour tous ». Dans une démocratie, chacun de nous peut prescrire aux autres comment vivre leur vie, faire fonctionner leurs entreprises, qui ils peuvent embaucher, quel salaire ils peuvent payer, où, quand, et comment ils peuvent acheter ou vendre, ce qu’ils peuvent enseigner, fumer, boire et manger, quels médicaments ils peuvent prendre, quelles maisons ils peuvent construire et où ils peuvent construire, ce qu’ils peuvent dire et écrire, comment et où ils peuvent pratiquer leur religion, avec qui ils peuvent se marier, avec qui ils peuvent s’associer…
24hGold : Est-ce l’échec de la démocratie ou l’incompétence et l’indifférence politique du peuple ?
Damien Theillier : Si la démocratie échoue ce n’est pas tant par désintérêt des citoyens que du fait des idées erronées qui circulent à son sujet. La démocratie souffre des mêmes maux que le socialisme parce que dans les deux cas l’individu est subordonné au collectif. Chaque décision est une décision collective et cette décision devient la norme pour tous. Fondamentalement, aucune liberté individuelle n’est en sécurité dans une démocratie. Aucune propriété n’est réellement privée. Des groupes minoritaires bien organisés peuvent piller ou asservir les autres à travers les urnes.
L’argument décisif en démocratie est la supériorité numérique. Il s’agit de maximiser l’armée des électeurs pour l’emporter à tous les coups. Par ailleurs, elle conduit à une politique de court terme. Un élu n’a aucune incitation à penser à l’avenir de la nation. Il n’est que locataire pendant un terme électoral fixé à l’avance, et son objectif est de maximiser les bénéfices qu’il retire (lui ou son entourage) de son passage au pouvoir. C’est pourquoi les politiciens se soucient peu des dettes qu’ils laissent à leurs successeurs. Pratiquement tous les pays démocratiques souffrent d’énormes dettes. Dans l’ensemble des pays démocratiques, les impôts sont passée de 10% du PIB en 1910 à environ 50% en 2010. L’homme politique dans une démocratie doit promettre toutes sortes de choses irréalistes pour arriver au pouvoir, tout en restant très discret sur leurs coûts réels et les conséquences à long terme de telles dépenses. Les décisions difficiles qu’il faut ensuite prendre pour remédier à tous les effets pervers d’un tel système sont toujours laissées aux successeurs.
Cela conduit à la servitude, à la bureaucratie, aux monopoles, à la médiocrité, au parasitisme, à la centralisation et à la stagnation économique. La démocratie, c’est cette grande fiction dans laquelle les gens peuvent vivre aux dépens des autres, pour paraphraser Frédéric Bastiat.
24hGold : Il existe différentes formes de démocraties. Y a-t-il une forme démocratique souhaitable, ou préférez-vous la disparition pure et simple de la démocratie ?
Damien Theillier : L’usage de la démocratie pour la prise de décision est utile dans certains contextes, par exemple dans les petites communautés ou au sein d’associations. Mais la démocratie parlementaire nationale, telle qu’elle existe dans quasiment tous les pays occidentaux a largement fait la preuve de son échec. Le Liechtenstein (160 km2), Monaco (2 km2), Dubaï, Hong Kong (1100 km2) et Singapour (710 km2) ne sont pas des démocraties parlementaires. Pourtant, ces pays prospèrent.
En fait, les gens devraient être libres de déterminer sous quelle forme de gouvernement ils veulent vivre : la démocratie, le capitalisme, le socialisme, la dictature ou la monarchie. La règle principale est de ne commettre ni fraude, ni violence, ni vol. Tant que les gens s’en tiennent à cette règle, ils peuvent offrir tous les services, y compris ceux qui sont aujourd’hui considérés comme des « services publics ». Ils peuvent également créer comme ils l’entendent leurs propres communautés — monarchiste, communiste, conservatrice, religieuse ou même autoritaire, pour peu que leurs « clients » adhérent volontairement et pour peu qu’ils laissent les autres communautés tranquilles.
Cela dit, il est certain que la Suisse avec sa démocratie décentralisée est une meilleure forme de gouvernement que la démocratie parlementaire française. Car il y est possible de voter avec ses pieds et d’aller voir ailleurs. L’alternative est de mettre un bulletin dans l’urne tous les cinq ans t de rester esclave. En Suisse, il y a concurrence entre les unités administratives, il y a un vrai marché de la gouvernance. Puisque les communautés et les cantons suisses sont petits, les gens peuvent non seulement voter, mais ils peuvent aussi se déplacer facilement s’ils sont mécontents du mode de gouvernement. De cette façon, les mauvaises mesures politiques sont chassées par les bonnes.
24hGold : À quoi ressemblerait l’alternative à la démocratie ?
Damien Theillier : Les grandes organisations gouvernementales seraient démantelées. Il n’y aurait plus de ministères de l’Éducation, de la Santé, des Affaires sociales, des Affaires économiques, de l’Agriculture, des Affaires étrangères, des Finances et de l’Aide au développement. Seuls des services publics essentiels pour assurer l’ordre public et pour faire face aux enjeux environnementaux seraient tolérés.
L’État-providence serait converti en un régime d’assurance privé. Cela offrirait liberté et sécurité aux citoyens. Ils seraient en mesure de prendre une assurance individuellement ou collectivement par les syndicats ou les entreprises pour lesquelles ils travaillent.
Le contrôle de l’État sur notre système financier serait aboli afin que les gouvernements ne puissent plus éroder la valeur de notre monnaie et provoquer des cycles économiques. De cette façon, un marché financier international équitable serait créé, ayant cessé d’être manipulé par les États et les institutions financières reliées aux gouvernements.
Enfin, les citoyens qui voudraient des gouvernements forts, paternalistes et coûteux (qu’ils soient de gauche ou de droite) pourraient les avoir sans les imposer à tout le monde. Il est parfaitement vain d’essayer de convaincre ces gens-là qu’ils ont tort. Encore une fois, la seule solution c’est de multiplier les unités administratives. Les citoyens pourront ainsi se détourner eux-mêmes des gouvernements autoritaires et mal gérés et rejoindre ceux qui produisent les meilleurs services au plus bas coût. De même, chaque politicien et chaque haut fonctionnaire sera incité par la concurrence à rendre son gouvernement aussi efficace et utile que possible.
24hGold : Comment passer de la démocratie centralisée à davantage d’autonomie sans provoquer le chaos ?
Damien Theillier : Ce que veulent les gens, c’est reprendre le contrôle de leur propre existence. Ce chemin de la liberté passe par l’autonomie maximale et l’auto-gouvernement c’est-à-dire par la décentralisation et la multiplication de petites unités administratives, conçues par les gens eux-mêmes. Bien sûr, la sécession ne peut pas nécessairement conduire immédiatement à l’autonomie administrative complète. Mais, ce qui y conduit, c’est de privilégier toute forme de décentralisation qui transfère certaines responsabilités du gouvernement central vers un gouvernement local. Les décisions doivent être prises localement, au niveau administratif le plus bas possible, jusqu’au quartier. Cela pourrait être une forme réaliste de transition entre la situation actuelle et la sécession complète..
24hGold : Si la démocratie est si nocive, pourquoi tant de gens croient en elle ?
Damien Theillier : La foi en la démocratie nous est inculquée dès l’enfance par l’éducation, les médias et la politique. Il y a une véritable foi dans le dieu de la démocratie parlementaire. Comme toute religion, la démocratie a son ensemble de croyances — des dogmes qui semblent être des faits indiscutables pour tout le monde.
De plus, les gens pensent que la seule alternative à la démocratie est la dictature ou la monarchie absolue. Ils ne se rendent pas compte qu’ils vivent dans une semi-dictature car ils ont tendance à ne voir que les avantages offerts par la démocratie, et non les coûts.
Une des raisons pour lesquelles il en est ainsi est que l’État collecte les impôts par de nombreuses voies indirectes et détournées. Il exige ainsi que les entreprises collectent les impôts sur les ventes ou que les employeurs collectent les charges de sécurité sociale. Il emprunte de l’argent sur les marchés financiers (un argent qui finira un jour ou l’autre par être remboursé par les contribuables) ou fait gonfler la masse monétaire — de façon à ce que les gens ne se rendent pas compte de ce que l’État leur confisque en réalité.
Une autre raison à cela est le fait que les actions de l’État sont visibles et tangibles. Toutes ces choses qui auraient pu être réalisées si le gouvernement n’avait pas commencé par confisquer l’argent du peuple restent au contraire invisibles. C’était la grande leçon de Bastiat entre « Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas ».
* A retenir : le séminaire organisé par l’Institut Coppet se tiendra le 28 juin à Paris au 6 rue du Montparnasse à partir de 17h.
Ce séminaire a pour objectif de montrer pourquoi les principes et la dynamique de la démocratie conduisent à des résultats négatifs. Pourquoi la démocratie est le nouveau socialisme et pourquoi leurs résultats sont similaires.
Dans la première partie de la soirée Frank Karsten, l’un des auteurs hollandais de Dépasser la démocratie, expliquera les problèmes inhérents à cette dernière et pourquoi elle ne délivre pas les biens désirés : liberté, cohésion sociale et prospérité. À l’aide de graphiques, il illustrera les tendances négatives de la démocratie. Dans la deuxième partie, Karsten présentera une meilleure alternative à travers des exemples dans le monde. Il expliquera comment il est possible d’aller dans cette direction.
Le séminaire sera donné en langue anglaise le 28 juin à Paris de 17h à 22h et sera entrecoupé d’un buffet-dînatoire offert. De nombreux livres en français seront vendus à prix d’amis. L’entrée est gratuite mais l’inscription obligatoire (//depasserlademocratie.eventbrite.fr/). L’Institut Coppet sollicite un don des participants pour l’aider à organiser l’événement dans les meilleures conditions.
“Le Liechtenstein (160 km2), Monaco (2 km2), Dubaï, Hong Kong (1100 km2) et Singapour (710 km2) ne sont pas des démocraties parlementaires. Pourtant, ces pays prospèrent.”
GROSSE Erreur !
Le Liechtenstein EST non seulement une démocratie, mais une démocratie directe, ou de sur-crois le Prince peut être évincé par initiative populaire.
Celui-ci à donc une investiture héréditaire et à durée indéterminée.
Constitution
//www.llv.li/verfassung-e-01-02-09.doc.pdf
Articles 112 et 113
Par ailleurs toute commune peut faire sécession par initiative populaire.
Article 4