Mythe 5. La démocratie mène à la prospérité
Extrait de Dépasser la démocratie. Par Frank Karsten et Karel Beckman, traduit par Benoît Malbranque, 2013. Commandez le livre sur Amazon.fr
De nombreux pays démocratiques sont prospères. Les gens pensent donc souvent que la démocratie est nécessaire pour obtenir la prospérité. En réalité, c’est l’inverse : la démocratie ne mène pas à la prospérité, elle détruit les richesses.
Il est vrai que de nombreuses démocraties occidentales sont prospères. Ailleurs dans le monde, on n’observe pas cette corrélation. Singapour, Hong Kong, et un certain nombre d’États du Golfe ne sont pas démocratiques. De nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine sont démocratiques, mais ne sont pas riches, excepté pour une petite élite. Les pays démocratiques ne sont pas prospères grâce à la démocratie, mais malgré celle-ci. Leur prospérité est due à l’attachement traditionnel à la liberté qui caractérise ces pays, et au fait que l’État n’a pas encore pris un contrôle complet sur leur économie. Mais cette tradition est peu à peu affaiblie par la démocratie. Le secteur privé s’érode progressivement, dans un processus menaçant de détruire la richesse formidable créée par l’Occident depuis des siècles.
La prospérité naît dès que les droits individuels sont correctement protégés — en particulier les droits de propriété. Pour le dire autrement, la richesse se crée dès que les gens peuvent prendre possession des fruits de leur travail. Dans cette situation, les gens sont poussés à travailler dur, à prendre des risques, et à utiliser efficacement les ressources disponibles.
D’un autre côté, si les gens sont obligés de céder les fruits de leur travail à l’État — ce qui est en partie le cas dans une démocratie — ils sont moins incités à se surpasser. Au surplus, l’État utilisera nécessairement ces ressources de manière inefficace. Après tout, les dirigeants des démocraties n’ont pas eu besoin de travailler pour obtenir ces ressources — et leurs objectifs ne sont pas les mêmes que ceux des individus qui ont produit ces richesses.
Comment cela fonctionne-t-il dans une démocratie ? Vous pouvez comparer ceci à un groupe de 10 personnes qui dinent dans un restaurant et décident à l’avance de partager l’addition en parts égales. Puisque 90% de l’addition sera payée par les autres, chacun est poussé à commander des plats très couteux, ce qu’ils n’auraient pas fait s’ils avaient dû payer par eux-mêmes. Inversement, puisque l’épargne de chacun ne le favorise qu’à hauteur de 10%, personne n’a intérêt à être frugal. Le résultat est que l’addition totale finit par être bien plus élevée que ce qu’elle aurait été si chacun avait payé pour lui-même.
En économie, ce phénomène est connu sous le nom de « tragédie des biens communs ». Un bien commun est par exemple un morceau de terre possédé collectivement par plusieurs fermiers. Les fermiers qui partagent ce bien commun sont naturellement poussés à laisser leurs vaches brouter l’herbe autant que possible (aux dépens des autres), et ne sont en aucun cas incités à retirer leurs vaches à temps (parce qu’alors le pâturage serait rendu stérile par le bétail des autres fermiers. Ainsi, puisque le pré est possédé par tout le monde, et donc par personne, il en résulte une sur-utilisation du sol.
La démocratie fonctionne de la même façon. Les citoyens sont incités à obtenir des avantages au détriment des autres — ou de leur en transmettre la charge financière. Les gens votent pour des partis politiques qui laissent les autres payer pour leurs désirs personnels (éducation gratuite, meilleure couverture par l’État-providence, subventions pour les soins pour enfants, davantage d’autoroutes, etc.). Dans l’exemple du dîner, la situation pourrait bien ne pas déraper, car dans de petits groupes les gens sont encadrés par le contrôle social. Mais avec des millions d’électeurs dans une démocratie, ça ne fonctionne pas.
Les hommes politiques sont élus pour manipuler le système. Ils gèrent les « biens publics ». Ils ne les possèdent pas, et n’ont donc aucun besoin d’être économes. Au contraire, ils sont incités à dépenser autant que possible, afin de pouvoir obtenir les mérites et laisser leurs successeurs payer la note. Après tout, ils se doivent de satisfaire les électeurs. Cela est plus important pour eux que l’intérêt à long terme du pays. Le résultat en est l’inefficacité et le gaspillage.
Non seulement les hommes politiques sont fortement poussés à sur-dépenser, mais ils sont aussi incités à en profiter eux-mêmes autant que possible, tant qu’ils sont en charge des « fonds publics ». Après tout, une fois qu’ils ne seront plus au pouvoir, ils ne pourront plus s’enrichir aussi facilement.
Ce système est désastreux pour l’économie, et les gens n’ont pas encore pleinement compris à quel point. Une large partie de la facture des dépenses que nos gouvernements démocratiques ont engagées doit encore être payée.
La dette abyssale de l’État est le résultat de budgets déficitaires, lesquels, et ce n’est pas une coïncidence, sont la plaie de tous les pays démocratiques. Aux États-Unis, le dîner démocratique est devenu tellement hors de contrôle que la dette publique dépasse les 14 000 milliards de dollars, soit près de 50 000 dollars par personne. La situation est similaire dans la plupart des pays européens. La dette publique néerlandaise a atteint 380 milliards d’euros fin 2010, soit environ 25 000 euros par personne. Les dettes devront être remboursées un jour ou l’autre, par le contribuable. Une quantité considérable d’argent du contribuable est déjà mobilisée pour payer uniquement la charge de la dette. Aux Pays-Bas, les intérêts sur la dette publique s’élèvent à près de 22 milliards d’euros en 2009, davantage que ce qui est dépensé pour la défense et les infrastructures publiques. C’est un gaspillage complet, et le résultat de la dilapidation de l’argent du contribuable.
Mais le problème est plus profond. Les hommes politiques de nos démocraties ne collectent pas seulement des impôts pour ensuite les dilapider, ils ont aussi fait en sorte de prendre le contrôle de notre système financier — notre monnaie. À travers les banques centrales telles que la Réserve fédérale et la Banque Centrale Européenne, les gouvernements de nos démocraties décident de ce qui constitue de la monnaie (cours légal), en quelle quantité la monnaie est créée et injectée dans l’économie, et à quel niveau sont les taux intérêt. Dans le même temps ils ont coupé le lien qui existait entre le papier monnaie et les valeurs sous-jacentes comme l’or. L’entièreté de notre système financier — y compris notre épargne et les fonds pour notre retraite, tout l’argent que nous croyons posséder — est fondée sur une monnaie de papier émise par l’État.
L’avantage pour nos gouvernements est évident. Ils disposent d’un robinet monétaire qu’ils peuvent activer dès qu’ils le souhaitent. Aucun monarque absolu dans le passé n’a jamais eu quelque chose de la sorte. Les dirigeants de nos démocraties peuvent relancer l’économie (et remplir leurs propres poches) s’ils souhaitent booster leur popularité. Ils agissent ainsi par l’intermédiaire de la Banque Centrale, qui à son tour utilise les banques privées pour mener à bien le processus d’émission monétaire. Le système est ainsi bâti que les banques privées obtiennent des permissions spéciales de prêter un multiple des dépôts de leurs clients (système des réserves fractionnaires). Ainsi, grâce à diverses ruses, davantage de monnaie papier ou électronique est injectée dans l’économie.
Cela a plusieurs conséquences néfastes. En premier lieu, la valeur de la monnaie diminue. Ce processus est déjà en marche depuis un siècle. Le dollar a perdu 95% de sa valeur depuis la création de la Réserve fédérale en 1913. C’est pour cela qu’en tant que citoyens nous remarquons une hausse sensible des prix des produits et services. Dans un véritable marché libre, les prix ont tendance à baisser continuellement conséquemment à des gains de productivité et à la concurrence. Mais dans notre système manipulé par l’État, et dans lequel l’offre monétaire est constamment augmentée, les prix ne peuvent s’arrêter de croître. Certains en bénéficient (ceux qui ont des dettes importantes, comme l’État lui-même), et d’autres s’appauvrissent, comme ceux qui vivent d’un revenu fixe ou qui ont une large épargne.
La seconde conséquence est qu’avec toute la nouvelle monnaie qui stimule l’économie, des bulles artificielles se forment les unes après les autres. Ainsi, nous avons eu une bulle immobilière, une bulle des matières premières, une bulle sur les marchés financiers. Mais tous ces miracles sont bâtis sur du sable — toutes les bulles finissent par éclater un jour ou l’autre. Ils naissent uniquement parce que les marchés sont inondés par le crédit facile et que tous les acteurs peuvent s’endetter massivement. Mais de telles fêtes ne durent pas indéfiniment. Lorsqu’il devient clair que les dettes ne peuvent être remboursées, les bulles explosent. C’est alors que les récessions interviennent.
Les autorités répondent habituellement aux récessions avec ce que vous pouvez attendre d’hommes politiques de démocraties, précisément en créant encore davantage de monnaie artificielle et en en injectant encore davantage dans l’économie (tout en accusant les marchés financiers et les spéculateurs de la crise, bien entendu). Ils agissent ainsi parce que c’est ce que les électeurs attendent d’eux. Les électeurs veulent que la fête continue aussi longtemps que possible — et les hommes politiques réalisent habituellement leur souhait parce qu’ils veulent être réélus. L’écrivain et homme politique américain Benjamin Franklin avait compris le problème dès le XVIIIe siècle. « Le jour où le peuple comprendra qu’il peut voter pour obtenir de l’argent marquera la fin de la république », écrivit-il.
La mise en marche de la planche à billets fournit souvent quelque soulagement, mais ce n’est jamais pour très longtemps. Aujourd’hui, nous semblons avoir atteint un point où aucune nouvelle bulle ne peut être créée sans anéantir le système tout entier. Les gouvernements ne savent plus quoi faire. S’ils continuent à fabriquer de la monnaie, ils courent le risque de l’hyperinflation, comme dans l’Allemagne des années 1920 ou plus récemment au Zimbabwe. Dans le même temps, ils n’osent pas arrêter de stimuler l’économie, parce que cela plongerait l’économie dans une récession et les électeurs n’apprécient pas ça. En bref, le système semble être dans l’impasse. Les États ne peuvent plus ni perpétuer l’illusion qu’ils ont créé ni la laisser disparaître.
Ainsi voyons-nous que la démocratie ne mène pas à la prospérité mais à l’inflation continue et aux récessions, avec toute l’incertitude et l’instabilité qui vont avec. Quelle est l’alternative ? La solution aux dépenses effrénées des démocraties est de restaurer le respect de la propriété privée. Si tous les fermiers possèdent leur propre morceau de terrain, ils s’assureront qu’aucune sur-utilisation du sol n’intervienne. Si tous les citoyens pouvaient conserver le fruit de leur travail, ils s’assureraient que leurs ressources ne soient pas dilapidées.
Cela signifie également que notre système financier doit être repris des mains des hommes politiques. Le système monétaire, comme toute autre activité économique, doit refaire partie du marché libre. Chacun devrait être capable de produire sa propre monnaie ou d’accepter n’importe quelle forme de monnaie. Les mécanismes du marché libre s’assureront ensuite qu’aucune bulle ne se crée — du moins pas dans les proportions de celles que nous avons subies par la manipulation étatique de notre système financier.
Pour beaucoup de gens un tel système monétaire fondé sur le marché libre peut paraître effrayant. Mais historiquement il fut la règle plutôt que l’exception. Et il nous permettra peut-être de comprendre que notre prospérité — la richesse fantastique dont nous jouissons aujourd’hui — consiste en définitive en rien d’autre qu’en ce que nous, les citoyens productifs, nous produisons et avons produit sous la forme de biens et de services. Ni plus, ni moins. Tous les mirages et toutes les ruses dans lesquels les gouvernements de nos démocraties s’engagent avec leur papier monnaie ne peuvent pas changer ce fait.
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