Cher lecteur,
Question provocatrice ? Peut-être.
Ce matin, j’ouvre Google News. Mes yeux tombent sur un article du Monde, “La Sécurité sociale aggrave son déficit en 2015”. En substance, le déficit continue de galoper… Près de 12 milliards d’euros !
Mais ce n’est pas tout : “La commission des comptes de la Sécurité sociale repousse l’objectif d’un éventuel retour à l’équilibre après 2017”.
Tiens donc… Objectif… Éventuel… Hypothétique ? À ce rythme, les réformes n’auront jamais lieu. Quel rapport avec l’école française d’économie, me direz-vous ? Eh bien, Frédéric Bastiat avait prédit cette déroute.
Voici ce qu’il disait il y a 164 ans :
« […] J’ai vu surgir spontanément des sociétés de secours mutuel, il y a plus de vingt-cinq ans, parmi les ouvriers et les artisans les plus dénués, dans les villages les plus pauvres du département des Landes. […] Dans toutes les localités où elles existent, elles ont fait un bien immense. […] Leur écueil naturel est dans le déplacement de la Responsabilité. Ce n’est jamais sans créer pour l’avenir de grands dangers et de grandes difficultés qu’on soustrait l’individu aux conséquences de ses propres actes. Le jour où tous les citoyens diraient : “Nous nous cotisons pour venir en aide à ceux qui ne peuvent travailler ou ne trouvent pas d’ouvrages”, il serait à craindre […] que bientôt les laborieux ne fussent réduits à être les dupes des paresseux. Les secours mutuels impliquent donc une mutuelle surveillance, sans laquelle le fonds des secours serait bientôt épuisé. Cette surveillance réciproque […] fait la vraie moralité de l’institution. C’est cette surveillance qui rétablit la Responsabilité. […]
Or, pour que cette surveillance ait lieu et porte ses fruits, il faut que les sociétés de secours soient libres, circonscrites, maîtresses de leurs statuts comme de leurs fonds. […]
Supposez que le gouvernement intervienne. Il est aisé de deviner le rôle qu’il s’attribuera. Son premier soin sera de s’emparer de toutes ces caisses sous prétexte de les centraliser ; et pour colorer cette entreprise, il promettra de les grossir avec des ressources prises sur le contribuable. […]
Ensuite, sous prétexte d’unité, de solidarité (que sais-je ?), il s’avisera de fondre toutes les associations en une seule soumise à un règlement uniforme. Mais, je le demande, que sera devenue la moralité de l’institution quand sa caisse sera alimentée par l’impôt ; quand nul, si ce n’est quelque bureaucrate, n’aura intérêt à défendre le fonds commun ; quand chacun, au lieu de se faire un devoir de prévenir les abus, se fera un plaisir de les favoriser ; quand aura cessé toute surveillance mutuelle, et que feindre une maladie ne sera autre chose que jouer un bon tour au gouvernement ?
Le gouvernement, il faut lui rendre cette justice, est enclin à se défendre ; mais, ne pouvant plus compter sur l’action privée, il faudra bien qu’il y substitue l’action officielle. Il nommera des vérificateurs, des contrôleurs, des inspecteurs. On verra des formalités sans nombre s’interposer entre le besoin et le secours. […]
[…] Les ouvriers ne verront plus dans la caisse commune une propriété qu’ils administrent, qu’ils alimentent et dont les limites bornent leurs droits. Peu à peu, ils s’accoutumeront à regarder le secours en cas de maladie ou de chômage, non comme provenant d’un fond limité, préparé par leur propre prévoyance, mais comme une dette de la Société. Ils n’admettront pas pour elle l’impossibilité de payer, et ne seront jamais contents des répartitions. L’État se verra contraint de demander sans cesse des subventions au budget.
Là, rencontrant l’opposition des commissions de finances, il se trouvera engagé dans des difficultés inextricables. Les abus iront toujours croissants et on en recalculera le redressement d’année en année, comme c’est l’usage jusqu’à ce que vienne le jour d’une explosion. Mais alors, on s’apercevra qu’on est réduit à compter avec une population qui ne sait plus agir par elle-même, qui attend tout d’un ministre ou d’un préfet, même la subsistance, et dont les idées sont perverties au point d’avoir perdu jusqu’à la notion du Droit, de la Propriété, de la Liberté et de la Justice. »
Toute ressemblance avec la situation actuelle est purement fortuite. À vrai dire, l’homme n’apprend pas grand-chose des leçons du passé. C’est là toute l’utilité de s’intéresser à l’école française d’économie.
Comprendre le monde d’aujourd’hui, c’est 50% de la préparation pour faire face aux défis de demain. Et justement, la nouvelle version de la newsletter de l’Institut Coppet se recentre autour de ce point crucial : comprendre pour mieux agir.
Meilleures salutations,
Damien Theillier
PS : Connaissez-vous le mentor de Frédéric Bastiat, aujourd’hui oublié ? S’il était parmi nous aujourd’hui, son combat serait assurément celui contre les professions réglementées.
Découvrez-le dans le dernier numéro de Laissons Faire.
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